http://traditions.org.ru/index.php?option=com_content&view=article&id=49:2010-05-08-17-40-54&catid=8:2010-02-27-17-59-09&Itemid=2 – Заглавие с экрана. – Яз. рус. -
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Commynes, Philippe de. Mémoires : Livres I –III // Présentation et traduction par Jean Dufournet.(Edition bilingue) [Texte] / Ph. de Commynes – P. : Flammarion, 2007. – 452 p.
V. СОВРЕМЕННЫЕ ТЕХНОЛОГИИ ПРЕПОДАВАНИЯ иностранных языков
К.п.н., ст. преп. Olga Kukharenko
Université pédagogique d’État
Blagovechtchensk, Russie
Le développement de la culture de l’introspection psycho-pédagogique chez
des futurs professeurs de FLE en Russie
Actuellement, à l’époque du renouvellement du système éducatif en Russie, il devient indispensable de développer les méthodes et les technologies de la formation pédagogique. La formation des futurs professeurs se développe en se restructurant et en s'inscrivant dans une logique mondiale.
Le «nouvel» enseignant des écoles doit non seulement transmettre des savoirs mais aussi apprendre à apprendre aux enfants, il doit aussi leur apprendre à devenir des acteurs actifs de la société moderne, et progresser continuellement. Il s'agit d'un enseignant bien instruit, intègre, compétent, initiateur, apte à s'adapter aux nouvelles réformes, ouvert à la communication interculturelle et que son activité professionnelle oriente vers un enseignement créatif. Il lui est donc important d’apprendre à s’orienter parmi les spécificités des technologies modernes et d'acquérir les connaissances et les compétences spécifiques qui en découlent pour monter des projets innovants en phase avec les besoins de nos apprenants et les contextes culturels et économiques, locaux, nationaux et internationaux. En tant que formatrice des futurs professeurs des langues étrangères je fais des recherches sur le développement de leur culture professionnelle, et plus précisément sur l'introspection psycho-pédagogique comme moyen de leur auto-développement professionnel.
Nos recherches dans le domaine des sciences pédagogiques, psychologiques et philosophiques nous ont permis d'arriver aux conclusions suivantes: 1) L'introspection psycho-pédagogique est un processus psychologique complexe non linéaire et spontané qui vise la recherche et l'étude de soi-même afin de se comprendre, se rendre compte de ses qualités personnelles et professionnelles, des spécificités de l'expression de soi-même et du comportement. 2) Les qualités personnelles et professionnelles d'une personne, sa conduite et son expression font l'objet de l'introspection psycho-pédagogique du premier niveau. Au second niveau ce sont les qualités existencialistes d'une personne qui deviennent l'objet de son introspection. Ici nous pouvons mentionner: la prise de conscience de sa valeur unique personnelle, la compréhension de la morale de sa conduite, l'expression personnelle dans la situation de choix de valeur, le savoir agir conformément à sa liberté personnelle, le savoir-faire pour la résolution des difficultés de la vie, la position de vie active qui vise la transformation et le développement de l'environnement et de soi-même en tant que sujet de cette activité. 3) La réflexion, étant le mécanisme principal de l'introspection psycho-pédagogique, assure l'interpretation des sens, des valeurs et des stratégies, ce qui permet à l'enseignant de mieux se comprendre et se contrôler. 4) La culture de l'introspection psycho-pédagogique représente une néoformation psycologique personnelle de l'enseignant. Cette qualité contribue à sa meilleure auto-compréhension et auto-conscience dans ses activités professionnelles et joue un grand rôle dans le développement de la culture professionnelle de l'enseignant et donc de sa culture générale. En fait c'est l'ensemble des connaissances, convictions, valeurs, expériences subjectives et moyens d'expression qui assurent l'introspection psycho-pédagogique de l'enseignant et l'oriente dans le processus de l'auto-développement professionnel. Nous organisons le processus de formation des futurs professeurs de manière qu'ils puissent prendre cette habitude de l'auto-questionnement, de l'examen de soi-même dans le but de changer et devenir plus performants personnellement et professionnellement.
Cet enseignement est basé sur trois objectifs principaux:
- actualiser et valoriser la culture de l'introspection psycho-pédagogique chez les futurs enseignants;
- innover les moyens de la création et de la réalisation des projets interculturels;
- accompagner l'introspection psycho-pédagogique des futurs enseignants lors de leur stage professionnel à l'école secondaire.
Dans le cadre de cet article nous voudrions nous arrêter sur les axes principaux de notre travail et présenter brièvement les résultats.
Axe 1: Valorisation de la culture de l'introspection psycho-pédagogique
chez les futurs enseignants
Afin de réaliser l'objectif d'actualiser et valoriser la culture de l'introspection psycho-pédagogique chez les futurs professeurs de FLE nous organisons un cours spécifique "Culture de l'introspection comme catégorie psycho-pédagogique". Ce cours vise à approfondir des connaissances théoriques des étudiants sur la problématique étudiée et à développer leur savoir-faire de l'auto-examen et l'auto-compréhension.
Les cours pratiques sont basés sur l'interaction intensive du formateur avec les étudiants et celle des étudiants entre eux. Ils sont orientés vers la stimulation des processus psychologiques de l'auto-étude de leur conscience personnelle et professionnelle. Ici nous pouvons citer des jeux et des trainings psychlogiques de toutes sortes qui visent un travail intensif de l'auto-étude. Il est évident qu'en se comprenant mieux on comprend mieux l'Autre et on accepte la personnalité de l'Autre en tant que valeur incontestable. Cette qualité est indispensable pour un enseignant. L’enseignant, reconnaissant son élève comme une personnalité intègre, vise à lui donner le goût de l’étude et l’envie de poursuivre ses apprentissages et son enrichissement intellectuel.
Comme résultat de ce travail nous constatons non seulement la meilleure auto-compréhension de soi-même chez les étudiants mais aussi la formation de nouvelles stratégies de changement de soi-même et de programmation de l'auto-développement personnel et professionnel.
Axe 2: Apprendre à l'interculturalité en innovant
Notre recherche, l'analyse de la littérature théorique et l'expérience pratique, nous a permis de constater que le dialogue des cultures représente un des moyens efficaces de l'auto-compréhension et l'auto-développement de la personnalité de l'apprenant. Et donc nous considérons l'interculturalité en tant qu'enjeu didactique essentiel dans l’enseignement des langues étrangères. Par consequent nous constatons que l'interculturalité est un des moyens du développement de la culture de l'introspection psycho-pédagogique d'un futur enseignant des langues étrangères et ainsi une composante importante de sa compétence professionnelle pédagogique. Nous croyons nécessaire d’apprendre à l’interculturalité en renouvelant les méthodes d'enseignement et en assurant le processus d’enseignement des échanges interculturels avec les locuteurs natifs dont on apprend la langue.
Citons comme exemples des projets interdisciplinaires et interculturels que nous mettons en place:
- le projet du journal francophone d'étudiant "Salut! Ca va?" publié par l'Université pàdagogique de Blagovechtchensk. Il réunit d'abord des francophones et des amateurs de la langue française en Russie, des étudiants et des enseignants en France et des francophones des autres pays du monde. L'objectif de ce projet est non seulement réunir des jeunes des régions et des pays différents autour d'une affaire commune, mais surtout donner aux participants la possibilté de s'exprimer et écouter les autres s'exprimer. Le partage des expériences de toutes sortes permet de réflechir plus sur soi, se poser des questions et ainsi chercher et trouver des idées pour son développement personnel et professionnel.
- projet éducatif "Enseignant en Russie et en France: dialogue des cultures". Pour la réalisation nous demandons à nos étudiants d’étudier des specificités de l'enseignement et du travail pédagogique en France, faire l'analyse comparative avec le système de la formation des enseignants en Russie et monter un projet présentant des idées sur le perfectionnement du système de la formation des professeurs des écoles en Russie. Dans ce travail nous utilisons largement non seulement des documents des méthodes de FLE et des médias français mais aussi les résultats de nos recherches faites au sein de l'IUFM du Limousin. Lors de ces recherches nous avons étudié et analysé des spécificités de l'enseignement pédagogique en France et avons fait passer des questionnaires visant à révéler des différentes caractéristiques de la culture pédagogique professionnelle des futures enseignant en France. L'utilisation de ces données dans notre travail avec les futures professeurs de FLE en Russie nous permet: 1) de faire connaître à nos étudiants le procéssus complexe de la formation des professeurs en France (sa compléxité est surtout dûe à des réformes constants dont nous sommes témoins actuellement); 2) de leur faire apprendre à acquérir de "nouvelles capacités de distinction". Nos étudiants entrent dans la culture pédagogique étrangère de l’extérieur, en y découvrant à chaque fois de nouvelles distinctions par rapport à la leur. Ils réflechissent, se construisent, se développent personnellement et professionnellement. Ainsi, nous avons imaginé un modèle de construction de la culture pédadogique de nos étudiants: elle prendrait la forme d’un mouvement en spirale, lequel – partant de Soi, se projette vers l’Autre pour revenir vers un Soi modifié.
Axe 3: Accompagnement de l'introspection psycho-pédagogique des futurs enseignants lors de leur stage professionnel à l'école secondaire
L'étape suivante de ce travail est l'accompagnement de l'introspection psycho-pédagogique des futurs enseignants lors de leur stage professionnel à l'école secondaire. L'objectifest d’organiser la mise en place des projets innovants interculturels par les étudiants stagiaires dans les écoles secondaires. Et puisque ce travail pédagogique est nouveau pour eux et peut faire surgir certaines difficultés nous proposons aux étudiants de se questionner à chaque étape de la réalisation d'un projet en remplissant «une fiche de réflexion» suivant les questions proposées. Ce questionnement leur permet de réflechir sur leurs actions, leurs conduites, leurs compétences pédagogiques. A l'étape suivante nous organisons la discussion en groupes pour trouver des solutions aux difficultés qui auraient surgies.
Ainsi, ensemble avec nos étudiants, nous avons monté et realisé plusieurs projets innovants interculturels pour les élèves russes apprenant le français dans les écoles de la région de l’Amour, en collaboration avec les collèges et lycées français : « Réaménagement de la cour d'école », « Créer et faire vivre un blog multiculturel », «Protégeons notre planète ensemble!», « Je dessine La Russie... je dessine la France... ». Tous ces projets nous permettent de sensibiliser les élèves russes à l’importance et à l’utilité de l’apprentissage des langues étrangères en tant que moyen de s’exprimer, de connaître une culture originale et différente, aussi de se faire connaître.
Ainsi, l’analyse des recherches théoriques et pratiques sur la problématique de la culture de l'introspection psyco-pédagogique nous démontrent-ils que plus elle est développée chez un enseignant plus il est orienté vers l'auto-perfectionnement constant car les mécanismes de réflexion aident l'enseignant à se questionner à chaque instant sur ses compétences, sa conduite, son expression personnelle et à les corréler avec sa représentation de l'enseignant idéal. Cette représentation de l'idéal se construit dans la conscience pédagogique de chaque enseignant d'une manière subjective à la base de son expérience théorique et pratique.
Marion Susset
Université de Montpellier
Montpellier, France
Les représentations de la France et des Français dans les manuels russes de FLE
1) La dimension socio-culturelle, l'interculturel et les représentations en classe de langue
Nous pouvons tout d'abord noter que la notion même de l'enseignement de la culture étrangère par divers moyens au sein d'une classe de langue n'est pas forcement une évidence comme le rappelle Geneviève Zarate: « Considérer qu'il va de soi qu'un enseignement de la langue soit systématiquement accompagné de celui de la culture correspondante témoigne plus d'une perception ethnocentrée que d'une réalité observable » [7: 11]. Si ainsi l'enseignement de la culture de l'autre ne va pas obligatoirement de soi partout, c'est encore plus le cas de l'enseignement de la dimension interculturelle, c'est à dire qui prend en compte non pas seulement les cultures de manière séparée mais analyse leurs relations entre elles: « Le préfixe « inter » du terme « interculturel » indique une mise en relation et une prise en considération des interactions entre des groupes, des identités. Ainsi, si le pluri-, le multi-culturel s'arrêtent au niveau du constat, l'interculturel opère une démarche, il ne correspond pas à une réalité objective » [1: 48].
Deux des manuels étudiés dans cet article présentent dans leur avant-propos (en russe) [9, 10] le fait qu'ils traiteront de « la société française » et « des sphères socio-culturelles contemporaines », et nous verrons qu'ils traiteront en effet de la culture et de la société française de diverses manières mais aussi de la société russe, cependant au vu des exemples jamais dans une perspective interculturelle.
Sur la notion de représentation, penchons-nous tout d'abord sur les définitions de cette notion par le dictionnaire: il s'agit de « l'action d'évoquer quelque chose, quelqu'un par le langage » mais aussi au sens psychologique une « perception, image mentale, etc., dont le contenu se rapporte à un objet, à une situation, à une scène, etc., du monde dans lequel vit le sujet ».
Nous nous intéresserons dans le présent artcile aux représentations de l'autre, aussi appelés hétéro-représentations (la France, les français) par soi (les russes, notamment les auteurs de manuels de FLE) en contexte local (une université russe) à travers les discours mais aussi les thèmes et les textes choisis: Qui est l'autre? (état) Que fait-il? (action). Ces représentations « constituent un mode à part entière de connaissance de la réalité » [7: 29] et sont construites selon une logique de groupe: « Les représentations sociales ne sont pas une collection de subjectivités distinctes, mais au contraire le produit d’un travail social collectif, à travers lequel les agents sociaux construisent leurs modes de connaissance de la réalité » [7: 29].
Dans les manuels étudiés nous avons à chaque fois à faire avec un modèle descriptif traditionnel (monoculturel), qui ne met pas en parallèle deux cultures mais en présente une seule, celle de l'autre, dans la majorité des cas (mais nous verrons que le soi peut aussi se mettre en scène tout seul sans l'autre malgré le fait qu'il s'exprime dans la langue de l'autre, ce qui implique implicitement un certain discours sur l'autre, car nié dans sa propre langue).
Cependant nous ne parlons jamais de l'autre sans parler de soi, ce que nous verrons là aussi brièvement car cela ne concerne pas notre sujet.
Geneviève Zarate pose l'utilité de la notion de représentation dans le contexte de la classe de langue. Il faut qu'il y ait avant tout par le professeur une prise de conscience de cette notion pour bien construire la description scolaire, afin d'en inculquer les bases aux apprenants pour pouvoir réfléchir sur ses propres représentations de l'autre et les représentations présentées dans les manuels, mais aussi de les croiser avec ses représentations de soi . Cela contribue à la qualité de la description scolaire (voir pour plus de détail le chapitre intitulé «En quoi la notion de représentation peut-elle améliorer la description scolaire?», p.36 à 41, dans Représentations de l'étranger et didactique des langues de Geneviève ZARATE).
Geneviève Zarate pose comme hypothèse que « la relation entre langue et culture étrangères dépend du contexte national où la langue est enseignée et que la description d'une culture étrangère obéit à des règles particulières lorsqu'elles se situent en contexte scolaire » [7: 11], règles qui caractérisent ce qu'elle appelle « la description scolaire », «les manuels offrant sous une forme concentrée ce qui est généralement présent dans cette société de façon elliptique et disséminée » [7: 11].
A partir de là, nous pouvons dire que la description scolaire dépend du contexte géopolitique, impliquant le pays dont la langue est enseignée et le pays dans lequel la langue étrangère est enseignée mais pas seulement (le contexte géopolitique plus global peut aussi nous renseigner). Il s'agit du concept de « géopolitique éducative », toujours selon Geneviève Zarate.
Dans le cas de l'enseignement du français en Russie, plusieurs facteurs sont donc à prendre en compte:
- Les relations France/Russie et Occident/Russie dans une perspective plus large, ainsi que les relations France/URSS et Bloc de l'ouest/Bloc de l'est selon le même principe.
- L'orientation de la politique russe actuelle et passée, en matière d'éducation mais pas seulement, et son influence concrète sur l'enseignement des langues étrangères.
- La culture et l'histoire russe de manière générale: modes de vie, tabous, rapports des habitants à la nation et à l'étranger etc.
Il est toutefois à noter le caractère mouvant de la description scolaire, influencé par les représentations personnelles des professeurs et des étudiants. En effet « les représentations culturelles que les enseignants diffusent en classe de langue sont susceptibles d'agir fortement sur les apprenants parce qu'elles ont l'immédiateté et la force du témoignage direct, son pouvoir de séduction et son authenticité, affectivité comprise. La parole de l'enseignant est comme plus vraie, parce qu'elle est légitimée par les truchements particuliers que celui-ci entretient avec cet autre monde » [4 : 148].
A propos des apprenants Gerhard Neuner note que l'on « ne peut pas dire que l'enseignement des aspects socio-culturels en classe de langue commence « à zéro ». Il doit en fait prendre en compte et composer avec les « éléments disparates » et les idées préconçues (représentations imaginaires, stéréotypes) qui se rattachent au pays cible et à ses habitants dans l'imagination de l'apprenant » [6: 44] . Les étudiants tiennent bien souvent des représentations du pays et des habitants de la langue enseignée de la part des média, qui sont de grands pourvoyeurs de représentations et de stéréotypes (influencés là aussi par le contexte et les enjeux géopolitiques), mais pas forcément les mêmes que ceux trouvés dans les manuels (cela dépend du type de régime: si il contrôle les média alors les représentations dans les manuels seront sensiblement les mêmes que dans les média). Pour résumer, « l’apprenant est un acteur social, déjà socialisé dans une culture donnée et c’est à travers les représentations qui y ont été construites qu’il lira la réalité étrangère » [7: 29]. Ainsi, les représentations proposés par les manuels russes de FLE, influencés par les facteurs que nous venons de voir, passent à travers le prisme des représentations des professeurs avant d'arriver aux étudiants, qui ont eux-mêmes des représentations, souvent différentes, qui pourront alors changer, partiellement ou totalement. Cette notion est importante pour interpréter la réception des représentations contenues dans les manuels russes de FLE par les étudiants.
La France en elle-même (le toponyme), au sens géographique, climatique etc. peut être abordée d’une manière plus objective que les Français et la société française: l’enseignant, l’auteur du manuel peut se baser sur des faits concrets, immuables, comme le nombre de régions administratives, la superficie etc, au demeurant bien documentés. Le cas de l’histoire française, sujet à un manque d’informations, à des interprétations etc est un peu à part, en ce sens qu’il concerne l’histoire des français plus que l’histoire de France, car le mot France, comme toponyme, « possède cette « plasticité » qui donne à l’énonciateur-auteur la possibilité de faire référence à l’autre en tant qu’ethnonyme (donc renvoyant au nom des membres de la communauté) » [2: 108]. La France n’est finalement que peu représentée: derrière elle ce sont les français qui le sont et les représentations que l’on peut faire d’eux se heurtent au caractère hétérogène de ce groupe, même si ils partagent des valeurs communes par exemple.
Afin de donner une image globale du mode de vie et des caractéristiques générales des français, dont il faudra bien sûr préciser qu’elle ne sera pas représentative de tous les français, une approche quantitative (données statistiques...) combinée à une approche qualitative (enquêtes anthropologiques...) sera préférée, afin de ne pas tomber dans le stéréotype.
2) Stéréotypes et stéréotypage dans les manuels russes de FLE
Nous nous intéresserons ici aux stéréotypes, positifs comme négatifs, sur la France et les Français à travers les discours contenus dans les manuels russes de FLE.. Je m'aiderais pour cela de la description des procédés utilisés en discours, afin de construire l'image de l'autre, détaillés et exemplifiés par Nathalie Auger [2]. Je prendrais tout au long de mon article des exemples issus d'extraits de deux manuels russes de FLE utilisés à l'université d'Astrakhan, tout en ayant conscience que ces manuels ne peuvent prétendre à être représentatifs de toutes les représentations mises en œuvre dans tous les manuels russes de FLE utilisés en Russie. Il s'agit donc plus d'un panorama, essayant de reprendre les types de représentations jugées les plus communes, que d'un véritable inventaire exhaustif.
Le stéréotype, en tant que représentation particulière qui se base sur la cristallisation d'un élément, est un procédé d'une construction très facile: en stéréotypant on ne se donne pas la peine de prendre l'étranger dans sa complexité. C'est cette grande facilité du stéréotype qui peut expliquer sa forte présence dans les manuels russes de FLE. Il peut être rassurant, permettant au professeur de n'aborder certains sujets complexes que sous ce biais là quand il se trouve en insécurité par rapport à ses connaissances socio-culturelles.
De même le stéréotype peut être une « requête » des étudiants, qui auraient envie de rêver et de garder par là-même l'idée que les français sont tous beaux, riches, élégants et romantiques, en somme en adéquation avec leurs représentations antérieures. Ainsi les manuels, pour intéresser les étudiants, peuvent être dans la démarche de leur montrer ce qu'ils ont envie de voir, même si ce sont des stéréotypes.
Dans la leçon « Santé » du manuel que j'appellerais manuel n°1 [Кролль], la question de la santé en France est abordée en dans les dernières pages, et l'auteur-énonciateur (car c'est visiblement lui qui se cache derrière des textes sans références) stéréotype les français à l'aide de généralisations atemporelles, en utilisant un verbe au présent et une détermination nominale comme « La France » ou « Les Français » afin de figer leur image dans le temps: « Les Français sont très préoccupés par leur sommeil », Vous êtes malades en France? » « Vu la préoccupation des Français de leur sommeil, il est naturel que », cette dernière phrase se base sur une relation cause-conséquence, pour autant le postulat est basé sur un stéréotype. Nous apercevons cependant un type de modalisation concernant les marques quantitatives, en effet « Beaucoup et certains évitent la généralisation » [2 : 100], ce que nous pouvons voir dans la phrase « Beaucoup d'entre eux [les Français] dorment mal », qui atténue le caractère objectif et atemporel de la phrase précédente qui était « Les Français sont très préoccupés par leur sommeil ». L'utilisation du « vous », comme « ne vous inquiétez pas », « vous avez dans les annuaires, la liste de tous les médecins par ville et par arrondissement » fait références aux lecteurs, supposés Russes, mais indique implicitement que tous les Français ont accès à ces services.
Dans l'extrait sur le sommeil, les déterminants nominaux (« Français ») sont accompagnés de mots à caractère négatif, procédant ainsi à leur dévalorisation: « préoccupés », « mal », « préoccupation », « problèmes ». Les Français apparaissent ainsi comme des gens anxieux et stressés. L'absence de renvoi à soi laisse penser qu'au contraire les russes sont calmes et ne sont pas sujet au stress.
Si des stéréotypes se retrouvent comme nous l'avons vu dans le discours de l'auteur par le biais d'un document construit par lui, ils se retrouvent aussi dans des documents authentiques. Ainsi les étudiants, à la fin de la leçon sur la santé, dans le manuel n°1, doivent traduire du russe au français un texte issu d'un livre d'un auteur russe, I.Iou. Roubinski, intitulé « Французы у себя дома» (Les Français chez eux). Ce texte présente en russe, de la même manière qu'en français, des stéréotypes en discours: « En France », « les Français préfèrent », « Les Français n'ont jamais autant eu peur des maladies que maintenant », sans s'appuyer sur quelque chose pour prouver ces affirmations [10]. Ce texte renforce encore l'idée d'un peuple anxieux. Il comprend des statistiques mais elles présentent les chiffres de mortalité en France par tranche d'âge et ne sont pas liés aux stéréotypes ici mis en discours. De même, dans la leçon sur « Les problèmes de l'emploi » du manuel n°2, l'auteur d'un texte sans références, sûrement l'auteur du manuel lui-même, ne justifie par aucun chiffre son « En France, une partie considérable de la population active se trouve sans travail. Il n'est pas précisé si le « considérable » renvoie à 15, 20, 30 ou 40% de la population active...
Les textes présentant des stéréotypes de la France et des Français ne sont pourtant pas l'apanage des auteurs russes: Un document authentique, « La famille d'aujourd'hui », issu visiblement d'un manuel français de civilisation, intitulé « Regards sur la civilisation française », dans le cadre de l'unité « La famille. les jeunes et les adultes » du manuel que j'appellerais manuel n°2, présente lui aussi de nombreux stéréotypes, posant des phrases comme des vérités générales. Rien n'étaye les affirmations de l'auteur, dont on sent un jugement négatif sur ce qu'il dit: « l'autorité parentale a beaucoup perdu de sa vigueur, et l'éducation des enfants se passe en grande partie en dehors de la famille, formant des enfants plus indépendants », « La première notion de base de la famille est le mariage », « Le fait est accepté dans les villes, mais rencontre encore une résistance à la campagne » etc. Ce texte n'est pas daté mais son contenu laisse penser qu'il a été écrit il y a plusieurs années, voire décennies. Des procédés de modalisation de type quantitatifs sont là aussi utilisés: « beaucoup de parents [...] ». Ce texte peut être vu comme une opinion d'un auteur sur la famille d'aujourd'hui en France, cependant rien ne va dans ce sens dans les questions posées ensuite: aucune ne discute des affirmations de l'auteur, posées comme des vérités, auquel le fait que ce texte soit issu d'un natif de la langue enseignée peut apporter plus de crédit. Les étudiants russes peuvent ainsi se sentir fiers de leur modèle familial, plus traditionnel donc jugé plus positif, en comparaison au modèle français présenté implicitement de manière négative.
Il est aussi à noter que les stéréotypes négatifs ne portent pas seulement sur l'autre français mais aussi sur un second autre, installant dans ce cas-là une connivence entre le soi russe et l’autre français, donc une valorisation des deux: le texte intitulé « Les pilules-miracles » dans la leçon « Santé » du manuel n°1 se moque ouvertement de l'habitude des américains à prendre des pilules « miracles » pour soigner tout et n'importe quoi. L'autre n'est pas choisi au hasard, étant historiquement le rival cordial du Français et le rival un peu moins cordial du Russe.
Les stéréotypes positifs de la France et des Français apparaissent moins nombreux dans les manuels étudiés que les stéréotypes négatifs. Nous pouvons noter que la valorisation de la France se fait non pas en discours mais à travers la présence de documents à visée informative (authentique ou non) qui donnent une image positive du pays, surtout si une comparaison par les étudiants de la Russie avec la France se fait: la présentation du système de santé français détaillé dans « Le savez-vous? » de la leçon sur la santé du manuel n°1 parle de la sécurité sociale et de la grande accessibilité des médecins, choses généralement enviées par un certain nombre d'étrangers, dont des Russes, qui ne disposent pas d'un système de santé aussi avantageux.
Tous ces stéréotypes, positifs comme négatifs, ne seraient être profitables aux étudiants à moins de leur en faire étudier les mécanismes et les pousser à réfléchir sur leurs causes mais aussi leurs conséquences.
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