Оригинальный сценарий взят с сайта: jodel saint-marc club fr



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Дата11.07.2016
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En vain ... La femme est morte. Giorgio saisit sur la table de nuit -où l'on remarque son paquet de sucres d'orge- la lampe à pétrole. Il l'approche du visage de la morte. une légère trace violette encercle le cou de la femme. Giorgio y promène ses doigts, comme pour mieux l'identifier. Puis il repose la lampe. Il referme rapidement la chemise de nuit dont le col est agrémenté d'un ruban de soie noire qu'il renoue autour de la trace s'appliquant à former une jolie boucle.

32 INT, NUIT / ORPHELINAT / COULOIR PREMIER ÉTAGE


Giorgio sort dans le couloir, sa sacoche à la main, son paquet de sucres d'orge sous le bras. Il se dirige vers la jeune bonne qui le questionne du regard. Giorgio lui signifie, d'un mouvement de tête, qu'il n'y a plus rien à faire. La bonne crispe sa main sur sa bouche et se tourne vers le bas d'un grand escalier pour répercuter la nouvelle, d'un simple regard, à une frêle silhouette féminine qui se dresse dans la pénombre au pied des marches. La silhouette étouffe un gémissement, gravit l'escalier en toute hâte. Giorgio la suit des yeux. Il se tourne vers la bonne et la questionne à voix basse:


GIORGIO Qui est?ce?
LA BONNE (au bord des larmes) C'est mademoiselle Catherine, la fille de Madame Degrâce.
La frêle silhouette disparaît dans la chambre de la morte... 
GIORGIO Pourquoi m'avez-vous parlé de Diphtérie ?
LA BONNE (gênée, fuyant son regard) ... Parce qu'elle a étouffé toue la journée après que je l'aie dépendue ... (implorante) S'il vous plait, monsieur ... Si vous parlez, elle aura pas de messe ... S'il vous plaît

GIORGIO oui ... je comprends ...


(Dans le film la bonne cache que Élisabeth s'est pendue et n'avoue pas tout de suite la pendaison.)
LA BONNE (se tortillant nerveusement les doigts) ... Vous lui avez bien remis son ruban?
Giorgio acquiesce en jetant un regard vers le fond du couloir, en direction de la chambre de la morte d'ont la porte est restée entrouverte.
LA BONNE Alors ... vous ne direz rien? Je peux aller chercher monsieur le curé ... ?
GIORGIO (gentiment) Faites ce que vous voulez ... ça ne me regarde pas.
LA BONNE (laissant éclater sa joie) Ah merci! merci beaucoup, Monsieur!
La bonne dévale l'escalier.
GIORGIO mademoiselle, attendez! ... Le docteur Degrâce va-t-il bientôt rentrer?
Au pied de l'escalier, la bonne décroche une cape dont elle s'emmitoufle avec précipitation.
LA BONNE (sans prendre le temps de se retourner) oh, ça m'étonnerait, Monsieur! Il est à Sainte Lucie ... à l'hôpital.

Elle se dirige vers la porte en toute hâte, disparaissant aux yeux de Giorgio.


GIORGIO Les enfants sont avec lui?.
LA BONNE (off) Quels enfants?
GIORGIO Les enfants de la Fondation Roux... on m'a dit qu'ils étaient ici
LA BONNE (off) Oh, il y a longtemps qu'ils sont morts, Monsieur.
Aussitôt, on entend la porte d'entrée s'ouvrir, laissant s'engouffrer un vent de tempête. Elle se referme en claquant. Le paquet de sucres d'orge tombe du bras de Giorgio et s'écrase sur l'arête d'une marche, déversant une pluie de bonbons qui roulent et ricochent à travers l'escalier.
Giorgio reste figé en haut des marches. Un court instant, il prend appui sur la rambarde avec l'air hésitant de quelqu'un qui ne comprend pas. ((Soudain, comme s'il cherchait quelque chose qu'on lui aurait dissimulé, il se redresse, et d'un bond se précipite vers la première porte du couloir qu'il ouvre violemment...))

3 3 INT, NUIT / UNE PETITE CHAMBRE / VUE DU СOULOIR


... A la faible lumière du couloir, on distingue dans la chambre: trois petits lits de fer bien rangés avec leur couverture soigneusement pliée au pied du matelas, deux petits pupitres, une petite armoire et une rangée de petits portemanteaux où traînent deux petites pèlerines. Tout dans cette pièce est à l'étrange échelle d'une maison de poupée.
34 INT, NUIT / COULOIR
Giorgio referme brutalement la porte. Il traverse le couloir et ouvre la porte d'en face pour tomber sur le même décor.
Il se dirige vers une troisième porte, l'ouvre à son tour: même décor à nouveau... En ouvrant et en refermant chacune de ces portes, Giorgio a dû se baisser pour pouvoir atteindre les poignées. (on remarque alors que toutes les portes de ce couloir sont d'une étrange architecture.
Anormalement étroites par rapport à leur hauteur, elles présentent des petites poignées placées très bas, à quelques cinquante centimètres du sol, comme si elles n'avaient été construites que pour de tout petits enfants.) Comme pris de vertige, Giorgio marche à reculons en regardant tout autour de lui. Il se retrouve sur le seuil de la chambre de la morte et se retourne vers l'intérieur de la pièce:
35 INT, NUIT / CHAMBRE DE MADAME DEGRACE

De dos, agenouillée aux pieds de la défunte, la frêle silhouette de Catherine. Elle tient, tout contre ses lèvres, la main cireuse de sa mère. Giorgio fait un pas discret à l'intérieur de la pièce. Le vent fait trembler les vitres. Brusquement, la jeune fille tourne la tête vers Giorgio, révélant un visage très pâle aux traits extrêmement fins. Ses yeux embués de larmes sont empreints d'une tristesse infinie.


Le visage à demi dans l'ombre, Giorgio reste immobile, rivé au regard troublant de Catherine. Il ouvre la bouche, prêt à parler ... Lâchant la main de sa mère, Catherine se lève et avance lentement vers Giorgio, sans le quitter des yeux. Elle s'arrête devant lui, fait glisser ses mains dans les cheveux de Giorgio et attire ses lèvres contre les siennes.

Elle l'embrasse avec violence, longuement... Giorgio ne bronche pas. Tout à coup, la jeune fille relâche son étreinte et s'enfuit en courant hors de la chambre. Giorgio, totalement désemparé, se retrouve seul face à la morte. Le cou lacé de son ruban de soie noire, la main qu'embrassait Catherine pendant hors du lit, le cadavre repose dans la pénombre. (De lointains hurlements de loups se mêlent au vent.)


GIORGIO (se précipitant clans le couloir) mademoiselle!

36 INT, NUIT / ESCALIER + HALL D'ENTRÉE

Giorgio descend quatre à quatre les marches parsemées de sucres d'orge.
GIORGIO mademoiselle! ... Attendez'!
Dans le hall, des rafales de neige pénètrent par la porte d'entrée laissée grande ouverte. Giorgio s'arrête un bref instant sur le seuil.
GIORGIO (criant vers le dehors) mademoiselle!
Il sort en courant ...
37 EXT, NUIT / ORPHELINAT + CAMPAGNE ENVIRONNANTE
Fouetté par le vent, Giorgio court droit devant lui, ralenti par l'épaisse couche de neige qui entrave chacun de ses pas. 
GIORGIO (criant) mademoiselle! Revenez!
La silhouette de Catherine disparaît dans la nuit.

A bout de souffle, Giorgio s'arrête, les jambes enfoncées dans la neige jusqu'aux genoux. La main sur la poitrine, il cherche sa respiration.


GIORGIO (reprenant son souffle encre chaque mot) mademoiselle! ... (il tousse) Revenez! Je vous en prie! ... Mademoiselle!
Une toux plus violente l'oblige à se recroqueviller sur lui-même. Lorsqu'il se redresse, il se met à pleurer comme un enfant. ((Il se mord la main pour étouffer ses gémissements et se retourne pour contempler la maison des Degrâce: La façade lourde et austère de l'orphelinat se dresse dans la nuit.)) (on entend siffler la respiration rauque de Giorgio)
38 INT, NUIT / AUBERGE DE CHANTELOUP
Couvert de neige, l'air hagard, Giorgio entre, chargé de sa sacoche. A la lumière poisseuse des lampes à pétrole, de pauvres murs de caillasse noire traversés par des poutres distordues. Un comptoir tout de guingois, du même bois sombre et rongé que les quelques tables et chaises qui font cercle autour d'un poêle estropié. Au fond de la salle, un escalier tordu mène à l'étage.
Trois femmes au visage rude, abîmé par le temps, sont assises à la même table. L'une d'entre elles, la plus âgée, tire sur une grosse pipe de maïs ( il s'agit de la Mère Petaud). Derrière son bar, l'aubergiste (la femme entr'aperçue sur les marches de l'auberge). Face à elle, les deux mains posées à plat sur le comptoir, une longue femme maigre d'une soixantaine d'années, les yeux plongés dans un bol de vin fumant.
Toutes ces femmes se sont tues et dévisagent Giorgio sans broncher. Giorgio vient déposer ses bagages au pied du bar. Puis il penche la tête en avant pour enlever son chapeau qu'il pose à l'envers sur le comptoir. Il retire machinalement ses gants en regardant une photo encadrée posée à côté d'une rangée de bouteilles. Il s'adresse à l'aubergiste avec ce ton détaché, presque enjoué, que prennent parfois les gens désespérés ...
GIORGIO (désignant la photo) C'est votre mari?
L'AUBERGISTE C'est mon Marcel!
GIORGIO votre quoi?
L'AUBERGISTE (froidement, après un Temps) ... Mon Marcel, mon fils!
UNE FEMME Il est dans les Balkans!
Brusquement vide de toute expression, Giorgio acquiesce en s'emparant d'une bouteille posée sur le comptoir. Aussitôt, l'aubergiste lui avance un verre. Elle en profite pour jeter un oeil à l'intérieur du chapeau de Giorgio: il est rempli de sucres d'orge.
GIORGIO (se servant à boire) Vous auriez une chambre pour la nuit?
L'AUBERGISTE (repartant vers le fond du comptoir) Avec le cheval c'est trois francs! (dans le film le prix est de trois francs cinquante)
L'aubergiste se met à caresser de façon maternelle le petit crâne aux cheveux gras de la vieille femme maigre qui se tient de l'autre côté du bar. cette dernière, sans détacher le regard de son bol de vin, racle lentement le bois du comptoir avec ses ongles, en laissant s'échapper d'imperceptibles gémissements. Giorgio prend le verre et la bouteille puis se dirige, fébrile et chancelant, vers une table vide. ((Un léger craquement se fait entendre en haut de l'escalier: nous découvrons une petite fille d'environ six ans, en chemise de nuit, qui se tapit dans l'ombre des marches. Elle observe Giorgio entre les montants de la rampe.)) Giorgio s'affaisse sur une chaise et ingurgite mécaniquement plusieurs verres de suite, sous le lourd regard des femmes.
LA MÈRE PETAUD (à l'aubergiste) Il paraît qu'elle est morte, la Degrâce?
L'AUBERGISTE Faut demander au Monsieur, il en revient ...
GIORGIO (les yeux rouges), Qu'est-ce qui est arrivé aux enfants?
L'AUBERGISTE Ceux de l'orphelinat?
Une des femmes assises se signe en marmonnant. L'aubergiste contourne son bar et s'avance vers la table de Giorgio.
L'AUBERGISTE (sur un ton de réprimande, élevant anormalement la voix) C'est les loups qui les ont mangés!!
GIORGIO (médusé) TOUS...?

L'AUBERGISTE (s'énervant) Parfaitement! Et ils n'en ont fait qu'une bouchée, parce que c'étaient de sales gosses!..(hurlant) Poulette!!!


L'aubergiste vient de tourner violemment la tête vers la petite fille embusquée dans l'obscurité de l'escalier.
L'AUBERGISTE ... va te coucher, je te le répéterai pas deux fois!
La petite fille s'enfuit en courant vers l'étage. L'aubergiste se retourne vers Giorgio:
L'AUBERGISTE (se radoucissant) Non ... Je vous disais ça à cause de la, petite. En vérité, ils se sont noyés dans les marais.
Toujours appuyé au comptoir, la longue femme maigre gémit un peu plus fort en se balançant d'avant en arrière.
UNE FEMME(d'un ton inquiétant) C'est le docteur Degrâce qui leur a fait une piqûre. Et ça les brûlait tellement qu'ils se sont jetés dans l'eau.
UNE AUTRE FEMME Et même qu'ils étaient tellement bouillants, que 'La glace elle a fondu, et que l'eau, elle fumait. Je sais, j'ai tout vu!
L'AUBERGISTE Dis donc pas de bêtise, Marthe, t'étais pas là.
MARTHE C'est que quelqu'un me l'a raconté, alors!
L'AUBERGISTE Tu sais bien qu'il y avait personne!

MARTHE (agacée) De toutes façons, tout le monde le sait, ici! Elle dit dans le film "De toute façon, ici, tout le monde sait ce qui c'est passé"


Au bar, la vieille femme maigre lacère de plus en plus rapidement le bois du comptoir avec ses ongles, lâchant de petits cris en ondulant du bassin.
LA MERE PETAUD (fixant Giorgio avec des yeux de hibou) C'est la petite Catherine qui les a empêchés de remonter. (elle tire sur sa pipe) ... Elle leur tapait sur la tête avec une bûche! Vous auriez vu ça ... (dans un râle) une horreur! La vieille femme maigre gémit plus fort en se laissant glisser le long du comptoir, jusqu'au sol où elle se recroqueville, remuée par quelques spasmes.
L'AUBERGISTE (haussant les épaules) C'est des bêtises tout ça, on n'a jamais su! ... Enfin de toute façon, ces enfants là, ils étaient nés pour mourir ... Ils auraient jamais fait de vrais hommes ...

UNE FEMME C'est vrai... Un jour, mon petit Raoul, il leur avait jeté des pierres avec le grand Camille. A deux contre douze! ... Et il fallait les voir courir: ... "des petits lâches"!

Les yeux embrumés par la douleur et l'alcool, Giorgio vide son verre en regardant machinalement la femme qui finit de se tortiller au pied du comptoir. Il semble ne plus rien entendre et ne plus rien voir de ce qui se passe autour de lui. L'aubergiste s'est rapprochée de la table des femmes. ((Elles chuchotent entre elle)) en jetant des regards vers Giorgio. Giorgio tousse violemment. Il tente de se lever en prenant appui sur la table, mais ses jambes ne le soutiennent plus et il retombe aussitôt sur sa chaise, renversant sa bouteille et son verre.

L'AUBERGISTE (s'approchant de Giorgio) Attendez, je vais vous aider ... Dans le film Harmelle se contente de dire "j'ai l'habitude"

L'aubergiste saisit Giorgio par les aisselles, le soulève et, comme on porte un sac, le charge sur son épaule.

L'AUBERGISTE ... J'ai 1'habitude

Elle se dirige vers l'escalier. Contre son dos, le buste pendant, les bras ballants et la tête à l'envers, Giorgio ivre rebondit en balbutiant:

GIORGIO Qu'est-ce que je vais faire de tous ces sucres d'orge ... ?

L'aubergiste s'engage dans l'escalier.

39 INT, NUIT / AUBERGE / UNE CHAMBRE

La pièce est plongée dans l'obscurité. Au vent déchaîné qui fait claquer les volets se mêlent des hurlements de loups. Dans le lit, sous un gros édredon, Giorgio grelotte, les yeux grand ouverts, le visage couvert de sueur. Il respire avec difficulté, d'un souffle rauque et sifflant. On perçoit, venant d'une chambre voisine, la voix frêle et plaintive d'une petite fille qui sanglote:

LA PETITE FILLE (off) Maman... maman... maman ...

Soudain, une violente quinte de toux oblige Giorgio à se redresser dans le lit. S'agrippant à l'un des montants, il se lève et titube jusqu'à sa sacoche posée sur le plancher.

LA PETITE FILLE (off) Maman ... Maman...

Giorgio ouvre fébrilement sa sacoche: еlle est remplie à ras bord de sucres d'orge. comme paniqué par cette vision, Giorgio respire de plus en plus difficilement. Il plonge nerveusement la main dans sa sacoche, et fait valser les bonbons pour dégager une boite en fer qu'il ouvre en toute hâte sur un nécessaire à ciqare. A cet instant quelqu'un gratte à la porte de la chambre:

L'AUBERGISTE (off- murmurant) Ca va Marcel? (nouveau grincement: de porte) Hein?

Giorgio remplit sa seringue d'une main tremblante en jetant un regard angoissé en direction de la porte.

L'AUBERGISTE (off? insistant, grattant à nouveau) Ca va mon petit?

Giorgio remonte sa manche en fixant la porte, le visage perlé de sueur. Il a peur.

GIORGIO (d'une voix détimbrée) ... oui ...

L'AUBERGISTE (off) Si ça va pas, appelle Maman!...Allez, ça va maintenant ... dors mon petit ... Dors!

Des craquements de plancher nous indiquent que la femme s'éloigne. Giorgio s'injecte lentement le produit dans les veines, en essayant de calmer son angoisse par des inspirations larges et profondes. A travers le mur, les sanglots de la petite fille se sont mués en gémissements ténus ...

40a EXT, PETIT MATIN / ORPHELINAT DEGRACE

Un maigre soleil matinal pointe sous la grisaille du ciel. Le chant des oiseaux est assourdi par la brume qui enveloppe la nature enneigée. Au pied d'un arbre, un écureuil se nettoie le museau.

40b

La maison des Degrâce parait presque sereine. Giorgio franchit la grille du portail dont il ne reste qu'un battant rouillé. ((Les mains dans les poches de son épais manteau, il se dirige vers la porte d'entrée. Après avoir regardé vers le haut de la façade, il frappe.)) La porte s'ouvre sur la bonne. Elle est pieds nus, vêtue. d'une lourde chemise de nuit en drap blanc dont le col trop largement ouvert laisse entrevoir la chair d'une poitrine généreuse.



LA BONNE ((se recoiffant)), un peu gênée) Ah, c'est vous ... Excusez-moi, je ne suis pas habillée ...

Elle rougit sous le regard de Giorgio, ((baisse les yeux et remonte son col sur son cou.))

GIORGIO Je vous en prie, il est un peu tôt ... Mademoiselle Catherine m'a semblé très désespérée, hier, je voulais prendre de ses nouvelles et...(changeant de ton:) Puis-je entrer un instant?

LA BONNE Je suis désolée, Monsieur, Mademoiselle dort. il ne faut pas la réveiller.

Pendant qu'elle parle, Giorgio remarque une petite tache de sang qui se dessine sur la chemise de nuit, à la pointe d'un sein.

LA BONNE(suite) ... Elle a été très éprouvée par la mort de sa mère et ...

La bonne s'interrompt en découvrant, par le regard insistant de Giorgio, cette tache qu'elle cache aussitôt de son bras.

CATHERNE (off - d'une voix rieuse), Marie! Marie, tu viens?!

Marie se retourne vers l'intérieur de la maison puis, très mal à l'aise, regarde à nouveau Giorgio:

LA BONNE Je dois vous laisser, monsieur.

Elle s'apprête à refermer la porte.

GIORGIO Attendez! J'ai besoin de parler au docteur Degrâce, quand rentrera-t-il ?

LA BONNE Je ne sais pas, Monsieur ... sans doute jamais ... merci pour tout ... mais ne revenez plus, Monsieur.

Elle pousse la porte mais Giorgio la retient.

GIORGIO (implorant) Attendez! Qu'est-il arrivé aux enfants?

CATHERINE (off) Marie!!!

LA BONNE (implorante) S'il vous plaît Monsieur, partez, ou vous tuerez Mademoiselle!

La lourde porte se referme.

41 INT, PETIT MATIN ÉGLISE

((Giorgio pénètre dans l'église en refermant la lourde porte derrière lui. Il fait quelques pas et, le visage tourné vers le chœur, trempe machinalement sa main dans le bénitier.)) Son geste produit un bruit de verre brisé. Giorgio se penche pour regarder l'intérieur du bénitier: ses doigts viennent de casser une mince pellicule de glace qui recouvre l'eau bénite. Giorgio retire sa main de l'eau gelée et la secoue avant de se signer. Puis il avance lentement le long de l'allée centrale en direction de l'autel, derrière lequel se dresse un impressionnant Christ en croix à demi dans l'ombre. Groupés dans le recoin d'une allée, quelques tabourets, ((une mappemonde, une carte de géographie)) et un tableau noir d'écolier.

GIORGIO (appelant) Mon père! ... Y'a quelqu'un...?

Giorgio arrive au pied de l'autel. Non loin, se dresse une petite table où brûlent une trentaine de cierges devant une peinture craquelée représentant la vierge marie. Giorgio, pensif, contemple la croix. La lumière flottante des cierges atteint à peine les épaules du grand Christ de plâtre, laissant la tête plongée dans l'obscurité. Tout à coup, Giorgio plisse les yeux en regardant le haut de la croix, comme s'il avait aperçu quelque chose ... Sans quitter des yeux le sommet de la croix, Giorgio se saisit d'un des cierges allumés, grimpe sur une chaise et se hisse vers le visage du Christ. Il approche le cierge du cou de plâtre: ((un large ruban noir enserre la gorge du crucifié ...)) Giorgio, intrigué, avance lentement ses doigts vers le cou pour toucher le ruban.

UNE VOIX D'HOMME (dans un cri) Non!

Giorgio sursaute, éloignant rapidement sa main du ruban.

LA VOIX D'HOMME ... N'y touchez pas, malheureux!

Giorgio se retourne:

un prêtre ventru, en soutane, traverse précipitamment l'église en claudiquant. Il a une jambe en bois.

LE PRÊTRE (arrivant vers Giorgio) ... Je l'ai recollée comme j'ai pu, mais elle pourrait retomber!...C'est vous le Docteur?

Giorgio (descendant de sa chaise) oui.

LE PRÊTRE (Tendant la main) Je suis l'abbé Glaise.

Giorgio serre la main du prêtre, son autre main tenant toujours le cierge.

LE PRÊTRE (subitement inquiet) où est?ce que vous l'avez pris?

GIORGIO Quoi donc?

LE PRÊTRE Ben vot' cierge!

GIORGIO (désignant les cierges allumés) Là, au milieu des autres ...

LE PRÊTRE (faisant les gros yeux, comme à un enfant) Voulez-vous me reposer ça tout de suite! ... Si elles l'apprenaient ...

Giorgio, un peu dérouté, va remettre le cierge à sa place.

LE PRÊTRE (faisant mine de se cacher les yeux) Remettez le vite, j'ai rien vu! ... C'est que ... toutes ces petites flammes, c'est des maris ou des enfants partis à la guerre ...

Le prêtre continue de parler en se dirigeant vers un poêle situé dans le coin aménagé pour l'école.

LE PRÊTRE (suite) ... ça les protège, alors ... C'est pas bien ce que vous avez fait là!

GIORGIO (revenant vers le prêtre avec un léger sourire) Excusez-moi, je ne savais pas.

LE PRÊTRE ((chassant la faute d'un revers de main)) oui, oui, y, a pas de mal, j'ai déjà oublié!

Le prêtre rentre quelques petites bûches dans la partie supérieure du poêle.

GIORGIO Mon père, puis-je vous poser une question?

LE PRÊTRE ma foi ... si je peux y répondre ...

GIORGIO Qu'est-ce qui est arrivé aux enfants?

Un silence.

LE PRÊTRE Ceux de la maison Degrâce ... c'est bien pour ça que vous êtes venu alors ... (il chiffonne sèchement une feuille de journal) Personne n'y est pour rien ici, personne ne sait rien. il faut que vous alliez à Ste Lucie, à l'hôpital ... L'orphelinat dépendait de chez eux, ils ont tous les papiers! Il jette nerveusement la feuille dans la partie basse du poêle.

GIORGIO mais ces enfants, mon père, vous les avez connus.

LE PRÊTRE (presque clans un cri) Non! ... Enfin ... presque pas... Ils ne se mélangeaient pas aux autres ... Faut pas parler des morts, surtout quand ils sont mal morts ...

Le prêtre fuit un instant le regard de Giorgio en s'appliquant à disposer des brindilles dans le poêle. Giorgio le fixe avec insistance.

LE PRÊTRE (éclatant) Ne me regardez pas comme ça! Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, hein? Ils nous fréquentaient pas! Madame Degrâce leur faisait la classe, le docteur Degrâce s'occupait de leur santé, et la petite Catherine les emmenait promener... Et puis un jour, elle est rentrée toute seule, voilà, c'est tout!

Il gratte une allumette et enflamme le papier journal. Puis il souffle pour faire prendre le petit bois. ((La lumière du feu se met à danser sur son visage)). Giorgio a tourné le dos au prêtre. Il regarde vers le Christ.

GIORGIO Douze enfants ne se noient pas en même temps, c'est invraisemblable!

LE PRÊTRE Bien sûr, c'est curieux qu'aucun n'ait pu se raccrocher à la berge mais ... Il faisait un froid de loup... et puis, vous savez, c'étaient des enfants bizarres ... ils avaient peur de tout et de tout le monde alors ... (soufflant à nouveau sur le feu)Allez savoir ce qui leur a passé par la tête!

Le prêtre se redresse et referme la partie basse du poêle du bout de sa jambe de bois.

GIORGIO (se retournant vers le prêtre) Qu'est-ce que c'est que cette histoire de piqûre?

Le prêtre prend une bouteille d'encre et passe de pupitre en pupitre pour remplir les encriers ...

LE PRÊTRE (dans une moue dubitative) ... Il parait que le docteur leur avait fait un vaccin...

GIORGIO on m'a dit qu'il était à Ste Lucie, pourquoi ne rentre-t-il pas?

LE PRÊTE Pauvre homme! Quand je pense qu'il n'aura jamais revu sa femme, qu'il ne saura peut-être jamais qu'elle est morte ... Pauv' femme!

GIORGIO il est gravement malade?

LE PRETRE Ca vous pouvez le dire! (il arrête de verser l'encre) Vous savez, les Degrâce c'était une grande famille, riche, avec de l'éducation, et puis du cœur aussi, beaucoup de cœur. Mais quand le malheur a frappé leur maison, c'est devenu d'autres gens ... Madame Degrâce a attrapé la mélancolie, la petite est devenue ... un peu étrange. Quant au docteur il a complètement perdu la tête! Faut dire que c'est lui qui a plongé dans l'eau froide pour récupérer les corps, trois jours plus tard, quand y sont remontés. Et c'était pas beau à voir...



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