Оригинальный сценарий взят с сайта: jodel saint-marc club fr



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Дата11.07.2016
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UN INFIRMIER (au professeur, tout bas) C'est que... c'est pas une femme...

Le regard de Giorgio tombe alors sur les mollets de la jeune femme: ils sont musclés, couverts de poils, de toute évidence masculins...

LE PROFESSEUR BEAUMONT (aux infirmiers) Foutez-le moi à poil et enfermez-le au sous-sol. Je ne veux pas le voir se promener dans le service!

Au moment de repartir entre les infirmiers, la silhouette se retourne lentement vers Giorgio qui la fixe et, le visage toujours masqué par son voile noir, lui envoie un baiser du bout des doigts.

LE PROFESSEUR BEAUMONT (entraînant Giorgio par le bras) ... Ca me dégoûte!

Giorgio se retourne pour regarder une dernière fois l'étrange silhouette noire qui s'éloigne entre les deux infirmiers; La silhouette se retourne également vers lui ...))

GIORGIO (au professeur) Qu'est-ce que vous regardiez sur le cou de ce malade tout à l'heure?

Le professeur Beaumont désigne son propre cou d'un revers de pouce

LE PROFESSEUR BEAUMONT La marque!

58 INT. JOUR / ASILE - UN BUREAU

Derrière un large bureau encombré, le professeur Beaumont, des lunettes sur le nez, lit un dossier ouvert devant lui. Giorgio est assis de l'autre côté du bureau.

LE PROFESSEUR BEAUMONT ... Les multiples contusions et blessures relevées sur les jeunes cadavres ont certainement été causées de façon naturelle au moment de la rupture de la glace; par la glace elle-même, ainsi que par les racines, bois flottants, ou encore, ongles des victimes tachant de s'agripper les unes aux autres dans la panique de l'immersion..." (relevant la tête vers Giorgio) Je ne vois pas ce que fait ce rapport d'autopsie dans le dossier d'un aliéné ... !

Le professeur Beaumont extrait du dossier un paquet de feuilles maladroitement crayonnées:

LE PROFESSEUR BEAUMONT Sinon ... des dessins d'enfants ... je ne vois pas ce qu'ils font là non plus ...

GIORGIO (désignant les dessins) Vous permettez ... ??

LE PROFESSEUR BEAUMONT Je vous en prie.

Giorgio prend les dessins. son visage se fait perplexe et grave: Tous les dessins sans exception représentent des loups menaçants, semblables à celui vu au mur de la Fondation Roux...

LE PROFESSEUR BEAUMONT(continuant de feuilleter les pages du dossier) Alors... Ah, voilà le rapport d'internement! (il ajuste ses lunettes) "Degrâce, Sébastien, Raoul, Gaston, né le 14 juin 1851...  le 14 juin est la propre date de naissance de Laurent Boutonnat, le personnage de Sébastien devant être l'objet d'une tendresse particulière de la part du réalisateur. Interné le 15 mars 1915 à 18 heures ... Après examen, le malade présente de multiples contusions et un état fébrile de à une pneumonie ... Diagnostique: Catatonie, hydrophobie prononcée, démence paranoïde, déclenchées de toute évidence par l'éclatement du conflit mondial ...

GIORGIO (1'interrompant) L'éclatement du conflit mondial ?! Mais c'est absurde! C'est la mort des enfants qui a provoqué son état!

LE PROFESSEUR BEAUMONT (dans un geste d'impuissance) ((J'avoue que c'est confus, mais je ne peux pas vous en dire plus)), c'est un dossier de mon prédécesseur... ((il sourit)) Et de toute façon, cher confrère, vous savez bien que la cause importe peu: quand on est fou, on est fou! (dans le film il dit "la démence, c'est la démence !...")

GIORGIO (montrant les dessins) Puis-je les garder?

LE PROFESSEUR BEAUMONT Ah non, je suis désolé, c'est la propriété de l'administration. Alors ... (il replonge le nez dans le dossier).

GIORGIO Mais enfin, je ne pense pas que ces dessins soient utiles à ...

LE PROFESSEUR BEAUMONT (reprenant sa lecture:) ... "délire mystique: le malade s'accuse d'avoir décapité le Christ à coups de Pelle...(amusé) original!... Traitement par douches et immersions journalières dans l'eau froide (tournant sa feuille) Ah, il y a également ici une petite note datée du 16 janvier 1916 ... Je ne sais pas si ça vous intéresse ... "Le patient demande sans cesse à revoir sa femme et sa fille ... Vu l'état de fragilité nerveuse de la famille ... et compte tenu l'état de dégénérescence de l'aliéné, isolement total, visites refusées."

GiORGIO C'est scandaleux! Il faut que je voie cet homme!

59a INT. JOUR / ASILE - UN COULOIR

Des lits de camp sont disposés de part et d'autre du couloir, le long des murs sales. Des militaires blessés y sont couchés, quelques-uns assis. Beaucoup sont bandés, plâtrés, amputés ... Des râles et des gémissements résonnent à travers le couloir. (Dans le film les lieux ont été changés, le couloir est le décor de la scène précédente. Et cette séquence se tient à l'entrée des caves de l'asile dans le film)

Giorgio et le professeur Beaumont avancent entre les soldats.

GIORGIO ... Vous savez, pour le Christ, il ne délirait pas ... Je l'ai vu ...

LE PROFESSEUR BEAUMONT Qui ça?

GIORGIO Le Christ!

((Le visage du Professeur marque l'incompréhension. Il jette un coup d'œil inquiet à Giorgio ... puis il rit en lui frappant amicalement l'épaule.))

59b

((Renonçant à s'expliquer sur sa curieuse réponse, Giorgio se force à rire avec le Professeur... Le professeur cesse brutalement de rire))



LE PROFESSEUR BEAUMONT (grave) Dites?moi, vous le connaissez votre Degrâce?

GIORGIO Non, pas personnellement ... (Dans le film toutes les répliques précédentes de la scènes sont dans un autre ordre et réparties différemment dans les scènes.)

LE PROFESSEUR BEAUMONT Ah, ça c'est embêtant...

Le professeur prend Giorgio par l'épaule et s'adresse à lui à voix basse, sur un ton de confidence:

LE PROFESSEUR BEAUMONT ... Il faut que vous sachiez que nous avons eu, dans nos loges du sous-sol, une sorte de... de "mutinerie"...

Beaumont parle encore plus bas pour ne pas se faire entendre des soldats blessés. ((Il jette de furtifs coups d'œil aux militaires dont certains fument et cachent leur cigarette sur son passage.))

LE PROFESSEUR BEAUMONT (suite) ...comme celle qu'a connue notre armée l'année dernière ... La subversion et la folie sont d'une même famille, n'est-ce pas ... Naturellement, nous avons sévi, et tout est rentré dans l'ordre, mais... les vieux en ont profité pour mélanger leurs matricules. De telle sorte que nous ne savons plus très bien qui est qui ... à quelques exceptions près... Si j'avais pu prévoir, je les aurais fait tatouer! mais soyez sans inquiétude, la chose ne se reproduira plus : ((j'ai personnellement fait engager un photographe...))

60 INT, JOUR / ASILE - SOUS-SOL

Un couloir obscur aux murs pourrissants et humides. Devant une épaisse porte en bois, un infirmier musclé remet deux masques à gaz au Professeur Beaumont. Celui-ci en tend un à Giorgio qui le prend avec étonnement...

PROFESSEUR BEAUMONT (à Giorgio) mettez-le .... (se tapotant le nez) ... pour l'odeur !

Beaumont enfile son masque, imité par Giorgio. L'infirmier, le visage recouvert de son masque à gaz, finit d'allumer deux lanternes. Il en donne une au Professeur Beaumont et fait glisser le verrou de la porte ...

6la INT, JOUR / ASILE - LOGE DES VIEUX

A la lueur des deux lanternes, les trois hommes revêtus de leur masque à gaz pénètrent dans une salle totalement obscure... (On entend des gémissements, des râles et des quintes de toux)... Ils descendent un étroit escalier de pierre, le long d'une paroi suintante, l'infirmier en tête, suivi du Professeur Beaumont et de Giorgio... Beaumont se tourne vers Giorgio: il est obligé de parler fort pour se faire entendre à travers son masque à gaz qui lui déforme légèrement la voix:

PROFESSEUR BEAUMONT (à Giorgio) C'est effrayant, vous savez ... Quoi qu'on fasse avec eux, on se trompe toujours! A mon arrivée, j'ai cru bien agir en les détachant et maintenant ils se tapent dessus!

L'INFIRMIER(se retournant vers Beaumont) Y'font pas que se taper dessus, Professeur, y' s'entretuent! ...En trois jours j'ai remonté quatre corps!

Au pied des marches, dans le halo des lanternes, quelques vieillards attirés par la lumière s'approchent en tendant les mains. Certains sont presque nus. L'infirmier les tient à distance en poussant des cris et en agitant sa lampe dans leur direction... Les trois hommes avancent de quelques pas sur un sol boueux, jonché de paille mouillée.

PROFESSEUR BEAUMONT(à Giorgio) Ce ne sont plus vraiment des hommes... Comme vous le voyez, la lumière leur fait peur: ils ont bouché les soupiraux avec leurs excréments ... Enfin nous allons quand même essayer ...

L'INFIRMIER (à l'oreille de Beaumont:) Comment qu'y s'appelle, déjà?

PROFESSEUR BEAUMONT Degrâce... Sébastien ...

L'infirmier fait quelques pas en avant, en brandissant lui aussi sa lampe. Des vieillards reculent, aveuglés, certains en poussant des petits cris:

L'INFIRMIER (appelant) Degrâce! ... Ici Degrâce ! Ici tout de suite ! Si tu te montres pas, je te préviens, je vais te doucher le cul ... Degrâce !!!

PROFESSEUR BEAUMONT (levant sa lanterne et criant:) Y a-t-il un Degrâce ?! Degrâââce J'appelle Degrâce

Aucune réponse n'émerge des gémissements et des râles ambiants. Le Professeur Beaumont se tourne vers Giorgio en écartant les bras dans un geste d'impuissance. L'infirmier revient vers les deux hommes...

L'INFIRMIER (énervé) Qu'est-ce que vous voulez en tirer ?! ... Y connaissent même pas leurs noms

BEAUMONT (à Giorgio) Je vous l'avais dit

Giorgio se saisit de la lampe de l'infirmier...

GIORGIO Excusez-moi mais... il faut que je le trouve

61b


Giorgio disparaît dans les ténèbres, à peine éclairé par le halo de sa lanterne. Le Professeur Beaumont et l'infirmier se regardent.

BEAUMONT (appelant) Docteur Volli Docteur Volli ! Ne faites pas ça, voyons ... Ca ne sert rien ! (off) Docteur Volli ! Revenez, voyons ...

Giorgio continue de s'enfoncer dans l'obscurité. Au milieu de la plainte des aliénés, on entend très présente la lourde respiration de Giorgio dans son masque à gaz...

GIORGIO Docteur Degrâce ! ... Docteur Degrâce ... Si vous m'entendez, répondez-moi Ne craignez rien ! Je m'appelle Giorgio Volli!...Je suis là pour les enfants...

Giorgio avance en déplaçant sa lampe de gauche à droite, éclairant des vieillard avachis sur des restes de lits, d'autres encore, couchés nus à même la paille. La plupart se cachent les yeux...

GIORGIO... Docteur Degrâce ! je ne vous ferai pas de mal ! ... Répondez-moi, s'il vous plaît ! ... Je connaissais les enfants! ... J'étais leur ami ... ! Je ... Je vous aiderai à sortir d'ici ...

PROFESSEUR BEAUMONT(off) Docteur Volli

Éclairés un bref instant par la lanterne, quelques fous ébahis regardent passer Giorgio en se mordant les doigts...

GIORGIO (implorant)... Si vous m'entendez, répondez-moi... Je vous en supplie... Je ne vous veux aucun mal... Docteur Degrâce ...

PROFESSEUR BEAUMONT(off) ... Docteur Volli ! Revenez, nom de Dieu

GIORGIO Docteur Degrâce!... Docteur Degrâce...!

Giorgio se retrouve devant un grand mur. Il se fige. Face à lui, affalé dans un fauteuil défoncé, un vieil homme raide, la tête rejetée en arrière, les doigts rentrés dans sa bouche ouverte. Giorgio se rapproche de lui et l'éclaire de sa lampe. les yeux du vieux sont ouverts et fixes, tournés vers le ciel. Il est visiblement mort. Giorgio se retourne. Il sursaute et laisse échapper un cri. à travers les verres légèrement flous de son masque à gaz, la vision déformée d'une vingtaine de fous agglutinés qui l'encerclent. Dans un mouvement de panique, Giorgio arrache son masque. Aussitôt saisi par l'odeur, il se met à tousser violemment, le corps cassé en deux... Les vieux le regardent sans broncher, l'air ahuri. Parmi eux, un beau vieillard à l'air digne, vêtu d'un élégant manteau trop grand pour lui. Giorgio se redresse péniblement, cherche sa respiration, la bouche grand ouverte ...

GIORGIO Est-ce que l'un de vous est le Docteur Degrâce ?

Le beau vieillard fait un pas en direction de Giorgio, en le dévisageant avec insistance...

GIORGIO C'est vous, Docteur ?

Le beau vieillard écarquille les yeux, ouvre tout grand la bouche et pousse un râle en se tapotant la langue avec les doigts.

Giorgio terrifié recule.

Les autres fous, imitant le beau vieillard, se mettent tous à râler en montrant leurs bouches. Il avancent lentement sur Giorgio... (la plupart ont le cou cerclé d'une marque violacée). Giorgio continue de reculer et se trouve acculé au mur. Les vieux se rapprochent en râlant plus fort et en continuant de montrer leur bouche... Giorqio cherche nerveusement quelque chose dans sa poche. Il en sort une poignée de sucre d'orge qu'il jette aux visages des fous... les vieux se précipitent au sol, pour ramasser bonbons. Ils commencent à se battre entre eux ...

61C

Beaumont et l'infirmier aperçoivent la lanterne de Giorgio qui revient vers eux... 



BEAUMONT (criant) vous avez trouvé quelque chose

Giorgio réapparaît, essoufflé, le nez et la bouche protégés par son bras replié:

GIORGIO Non ! ... ? Il y a un cadavre au fond

Giorgio, au bord du malaise, dépasse les deux hommes, et se précipite dans l'escalier, vers la sortie...

62 INT. JQUR / ASILE - SALLE DES DOUCHES

une grande pièce carrelée de faïence blanche. Une dizaine de baignoires à couvercle y sont alignées, surmontées de pommeaux de douches. Dans six baignoires, six malades reçoivent sur le crâne le violent jet des douches, criant et remuant la tête, le cou emprisonné par le carcan de métal des couvercles. L'eau et les cris forment une infernale cacophonie. Giorgio est en train de traverser cette salle en compagnie du professeur.

LE PROFESSEUR BEAUMONT (souriant) Je suis content d'avoir pu vous rendre service, docteur Volli... j'aime beaucoup les italiens... des gens chaleureux qui rient fort, et qui parlent beaucoup avec les mains! Et puis ... Rome, Venise, Florence, Michel-Ange! Quel grand peuple! ... Vous comptez rester dans la région?

GIORGIO Non, je rentre à Paris. Je n'ai malheureusement plus rien à faire ici.

LE PROFESSEUR BEAUMONT ... Bien sûr, concernant cette regrettable histoire comment dirais-je ... de ... de "désorganisation", j'espère que nous pourrons compter sur votre discrétion... ?

Giorgio fixe l'un des fous "suppliciés" que nous reconnaissons comme étant l'homme bien habillé qui se faisait passer pour lui.

GIORGIO ... C'est donc comme ça que vous les reconnaissez?

LE PROFESSEUR BEAUMONT oui, ce matériel nous vient directement de l'asile Ste Anne ... (fier) ... A Paris! ... Un traitement remarquable pour calmer les agités et réveiller les cas de stupeur mélancolique... Et puis, comme vous le voyez, en se débattant, les malades finissent toujours par s'esquinter le cou. Rien de grave, mais ça nous permet parfois de les différencier... (il sourit à Giorgio:) ... des médecins!

63 EXT. JOUR / STE LUCIE ? GRAND PLACE

Giorgio sort de l'enceinte de l'hôpital.

En marchant vers sa carriole, il sort de la poche intérieure de son manteau les dessins de loup des enfants. Il y jette un coup d'œil... ((Non loin, sur la place, deux enfants sont en train de quêter: l'un, d'une douzaine d'années agite un tronc aux couleurs du drapeau français. L'autre, d'environ six ans, porte collée sur son ventre et sur son dos une affiche de propagande anti-allemande : on y voit le dessin d'un horrible soldat coupant des petites mains d'enfant qu'il suspend à un fil avec des pinces à linge. Les enfants repèrent Giorgio et courent derrière lui. Le plus petit vient tirer sur le bas de son manteau. Giorgio se retourne en rangeant les dessins dans sa poche intérieure.

L'AINE DES ENFANTS (agitant sa sébile) Pour en finir avec ces ordures de boches, monsieur !

LE PLUS  PETIT (levant tristement les bras vers Giorgio) Pour pas qu'y me coupent les mains, monsieur!

L'air ailleurs, Giorgio lâche un vague sourire. Il se penche vers le plus petit des enfants et lui pince gentiment le menton.

GIORGIO Tu sais, je ne peux pas donner...

L'AINE DES ENFANTS Pourquoi, vous êtes allemand ?!

GIORGIO (après un temps) oui ... et je n'ai jamais coupé les mains des enfants !

Giorgio s'éloigne sous le regard sidéré des deux enfants. Tandis qu'il rejoint sa carriole, les deux enfants s'enfuient en criant:

LES ENFANTS (off) Eh les gars! ... C'est un boche,

Giorgîo grimpe rapidement sur le siège, saisit les rênes et fouette son cheval. La carriole traverse la place. Les deux enfants qui quêtaient en ont rejoint cinq autres. L'aîné, faisant mine d'épauler un fusil, tire dans le dos de Giorgio qui s'éloigne. Les six autres l'imitent et fusillent Giorgio avec de grands bruits de bouche...))

64a EXT, FIN DE JOUR / UNE ROUTE DE MONTAGNE

Un pâle soleil meurt sur la crête enneigée d'une colline. Une corneille plane en criant. Une légère brise commence à agiter le brouillard naissant du soir. La carriole émerge d'une nappe de brume. Giorgio est en train de boire au goulot d'une petite fiole à whisky...

64b

Tout à coup, Giorgio arrête de boire. Son regard vient d'accrocher quelque chose, droit devant lui: Sur le bas côté de la route, loin, une silhouette se dessine à travers le brouillard, droite comme un I, immobile, figée comme un épouvantail. Intrigué, Giorgio ne cesse d'observer cette forme humaine tandis que sa carriole l'en rapproche. En dépit de l'avancée de la carriole, la silhouette, elle, semble rester à égale distance durant de longues secondes ... Giorgio arrive enfin à la hauteur de la silhouette. Il s'arrête : Il s'agit d'un homme, d'une soixantaine d'années, vêtu d'un complet noir étriqué aux épaules un peu larges, une grosse écharpe nouée autour du cou, un feutre enfoncé de travers sur la tête. Les jambes de l'homme sont enfouies sous la neige jusqu'audessous du genou. Il a enlacé ses bras autour de son torse pour se protéger du froid et il regarde fixement Giorgio de ses deux grands yeux clairs, sans broncher.



GIORGIO (déconcerté) Ca va, monsieur?

L'HOMME (dans un léger haussement d'épaules) Oh ... J'ai un petit peu froid...

GIORGIO (tendant à l'homme sa fiole à whisky) Tenez, ça vous réchauffera.

Le vieil homme prend la fiole et boit.

GIORGIO vous allez loin?

((Tout en buvant)), l'homme allonge le bras, désignant la direction dans laquelle Giorgio est engagé.

GIORGIO Je dois aller jusqu'à Mortemont, prendre le train de Paris, vous voulez que je vous rapproche?

Le vieux avale une dernière gorgée et désigne, de sa main tenant la fiole, le manteau de Giorgio:

L'HOMME Ca doit être chaud un manteau comme ça...

65 EXT. NUIT / UNE ROUTE BORDÉE DE SAPINS

La neige s'est mise à tomber. Le vent souffle violemment. Une vieille couverture en guise de châle, Giorgio grelotte en conduisant la carriole difficilement, tirée par le cheval. ((Giorgio s'essuie le nez d'un revers de manche et se tourne vers le passager. le vieil homme s'est endormi)), tranquillement emmitouflé dans la chaleur du manteau de Giorgio.

GIORGIO (grelottant, parlant fort) Vous êtes sûr qu'on est toujours sur la route de Mortemont?

L'HOMME (ouvrant un oeil) Hein! Quoi?

GIORGIO On n'est pas sorti de la route?

L'HOMME Non, non, ne vous en faites donc pas!

Le vieux contemple un instant Giorgino et sourit

L'HOMME on voit que vous n'êtes pas de la région, vous, avec une petite couverture comme ça! (il rit) ... Après les sapins, vous irez à votre gauche et dans trois kilomètres, il y aura une côte, ma maison est en bas. Venez donc prendre une soupe.

A cet instant, le cheval se cabre et s'arrête. Giorgio le fouette à plusieurs reprises, mais l'animal refuse d'avancer en poussant des hennissements effrayés.

GIORGIO (au cheval) Allez! Allez! Hue!

Enervé, Giorgio saute de la carriole et, tenant la couverture serrée contre lui, s'approche du cheval pour lui tapoter la tête.

GIORGIO (au cheval) Qu'est-ce qu'il y a mon vieux? Calme toi ... On est presque arrivé ... (le caressant) Tout doux, tout doux Allez...

Giorgio prend son cheval par la bride et le tire. mais l'animal refuse obstinément d'avancer.

L'HOMME (d'une voix sentencieuse) Il doit y avoir charogne quelque part... Si j'étais vous, je lui banderais les yeux. Les chevaux sont comme les hommes; ils n'aiment pas voir la mort en face! ... Tenez!...

Le vieil homme retire son écharpe, la roule en boule et la lance à Giorgio. Giorgio attrape l'écharpe et bande les yeux de son cheval. Il le tire à nouveau par la bride et le cheval avance...

GIORGIO (criant) vous aviez raison!

66 EXT. NUIT / UNE GRANDE COTE

Le vent a redoublé. Cassé en avant, Giorgio, le souffle court et rauque, termine de gravir la côte en tirant péniblement par la bride le cheval aux yeux bandés. Derrière, le vieil homme est toujours assis sur la carriole. Redressant la tête pour regarder la route, Giorgio se fige. Son visage se décompose. Terrifié, il se retourne d'un bond vers le vieil homme: celui-ci s'est paisiblement rendormi dans la chaleur du manteau. Giorgio lâche la bride du cheval et fait quelques pas, droit devant lui, l'air médusé, comme pour s'assurer de la réalité de ce qu'il voit. Au bas de la côte, percée par les lueurs de quelques fenêtres, l'ombre imposante de l'orphelinat des Degrâce. Une rafale de vent réveille le hurlement des loups. Pelotonné dans sa couverture, grelottant, Giorgio reste immobile sur la crête de la côté, les yeux écarquillés.

GIORGIO (à lui-même, murmurant) Vous êtes le docteur Degrâce...

L'HOMME (off ? murmurant lui aussi) oui.

Giorgio sursaute et se retourne:

le vieil homme se tient juste derrière lui et, comme lui, contemple l'orphelinat. Le manteau de Giorgio, trop long et trop large, donne une allure absurde au docteur Degrâce. Le vieil homme, la tête haute, presque méprisant, tend la main à Giorgio.

DOCTEUR DEGRACE (aristocratique) Sébastien Degrâce ... A qui ai-je l'honneur?

Giorgio serre machinalement la main du docteur, ((les yeux rivés à la marque violette qui enserre le cou dénudé du vieil homme.))

GIORGIO (sans voix) Giorgio Volli ...

Le docteur Degrâce sort de la poche intérieure du manteau les dessins d'enfants et les tend à Giorgio.

DOCTEUR DEGRACE Je pense que c'est à vous?

Giorgio prend les dessins sans rien dire. Le docteur Degrâce saisit le cheval par la bride et, regardant le ciel.

DOCTEUR DEGRACE Il fait vraiment un temps de cochons!

Le vieil homme tire le cheval et commence à descendre la côte. oppressé, Giorgio regarde s'éloigner la carriole. Il fait quelques pas dans la neige...

GIORGIO (la bouche sèche, appelant tout bas) Docteur Degrâce! ...

Giorgio vacille, son pas se bloque...

GIORGIO (encore moins audible) Docteur Degrâce ...

(Dans le vent, le hurlement des loups se fait plus présent.)

Giorgio tombe à genoux, lâchant tous ses dessins. Devant lui, la carriole continue de s'éloigner en direction de l'orphelinat. ((Giorgio, fébrile, regarde tout autour de lui, ouvrant des yeux d'enfant émerveillé sur les dessins de loups éparpillés qui tourbillonnent dans le vent.))

GIORGIO (chuchotant:, fébrile) Les loups ... les loups ... (à peine audible) les loups ...

Il tombe, face contre neige...

NOIR TOTAL

Dans le noir total, la respiration difficile de Giorgio se mêle aux souffles lointains du vent et aux hurlements des loups. Des petits rires féminins montent crescendo ...

CATHERINE (off  à voix basse) ... Il est mort? Regarde comme il est beau... Il n'a plus peur, maintenant ... (petits rires)

67 INT, NUIT ORPHELINAT DEGRACE UNE CHAMBRE D'ENFANT

Nous sommes toujours dans le noir total. on entend maintenant le son lointain d'un piano qui, joue les notes de la comptine que chantaient les enfants sur la place de Chanteloup. Puis la voix d'une femme qui fredonne tout bas:

LA BONNE (off très présente) Do, ré, mi , fa, sol, Toutes les femmes sont folles, Excepté ma bonne, Qui fait des tartes aux pommes"(Ad.Lib.)



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