Оригинальный сценарий взят с сайта: jodel saint-marc club fr



бет3/18
Дата11.07.2016
өлшемі0.86 Mb.
#190212
1   2   3   4   5   6   7   8   9   ...   18

Tout en parlant, il va reposer la bouteille le d'encre et revient vers le chœur ...

LE PRÊTRE (suite) ... les petits étaient gonflés comme des outres, leurs yeux étaient exorbités et leur petite figure toute griffée. on aurait dit qu'ils avaient vu le démon, ces enfants-là! (après un temps) ... Mais qu'est-ce que je raconte, moi ? ...Allez-vous en! Vous me faites dire des bêtises

Le prêtre se retourne et remarque, à l'autre bout de 1'église, la petite Poulette, immobile, qui les regarde ...

LE PRÊTRE Ben n'aie pas peur, Poulette, approche! ... Qu'est-ce que tu veux?,

Poulette traverse l'allée centrale, un petit paquet de lettres à la main...

LE PRÊTRE Tu m'amène du courrier? Ben c'est bien, ça!

Le curé prend les lettres, y jette un vague coup d'œil, puis échange un regard complice avec la petite

LE PRÊTRE Tu veux faire la jambe, hein?! Allez, va, on va faire la jambe! (à Giorgio:) Excusez-moi, Docteur mais, c'est sa petite récompense!

Le prêtre s'assoit sur une chaise, et élève sa jambe de bois au dessus du sol.

LE PRÊTRE (feuilletant les lettres que la petite vient de lui donner) Soldat Ferrauge, soldat Vannepain, caporal Pétaud ...

... Pendant ce temps, la petite fille se place à côté de lui et joint les pieds. Elle saute par dessus la jambe de bois, ((puis regarde fièrement Giorgio.

Giorgio lui sourit.))

LE PRÊTRE Allez, poulette! Retourne voir ta mère maintenant!

La petit Poulette s*éloigne en se retournant vers Giorgio ...

GIORGIO Où sont-ils enterrés, mon père?

42 EXT, JOUR / CIMETIÈRE

un silence feutré enveloppe le cimetière. Au milieu des tombes enneigées, le prêtre s'arrête devant une sépulture plus vaste que les autres sur laquelle sont piquées douze croix de bois. Giorgio s'approche de la tombe et la contemple avec émotion. A 1'entrée du cimetière, groupés derrière le muret d'enceinte, quelques enfants observent les deux hommes.

LE PRÊTRE Faut que je vous laisse, j'dois faire la classe!

Le prêtre fait un pas pour partir, puis se ravise, revient vers Giorgio et lui pose la main sur l'épaule :

LE PRÊTRE Allez, vous en faites pas, va ... Ils sont sûrement mieux là où ils sont!

43 EXT, JOUR / MARAIS

Un brouillard stagnant sur des racines torturées. Une nature informe composée d'arbres et d'arbustes noirs et chauves qui semblent penchés sur des trous de vase gelée. De temps à autre, le cri d'un oiseau bizarre vient troubler le silence. Giorgio se tient sur la berge d'une grande mare de glace, les mains dans les poches de son manteau. Le regard absent, il avance un pied sur l'eau gelée. La glace se fend et cède sous sa semelle. Son pied s'enfonce dans l'eau. Giorgio, impassible, avance l'autre pied qui s'enfonce à son tour dans l'eau. immergé jusqu'aux mollets, Giorgio figé regarde droit devant lui: Sur l'autre berge, à travers la découpe d'un groupe d'arbustes, les silhouettes de deux enfants en pèlerine affleurent un instant de la brume pour s'effacer aussitôt. A peine perceptibles, des voix enfantines qui s'évanouissent ...

4 4 EXT, JOUR / LA PLACE DE CHANTELOUP

Sur la place, devant la fontaine, quelques enfants entre six et dix ans font la ronde.

LES ENFANTS (chantonnant une comptine) "Do, ré, mi, fa, sol, Toutes les femmes sont folles, Excepté ma bonne, Qui fait des tartes au pommes."(Ad.Lib)

Giorgio gravit le perron de l'auberge en regardant les enfants. Il pousse la porte.

4 5 INT, JOUR 1 AUBERGE

(on continue d'entendre la comptine des enfants)

La salle est déserte, baignant dans la faible lumière qui filtre des fenêtres givrées. Seul, au comptoir, une femme rit en compagnie de l'aubergiste. L'entrée de Giorgio les interrompt.

GIORGIO (saluant d'un signe de tête) Mesdames ...

Gorgées de l'eau des marais, les chaussures de Giorgio font un curieux bruit de succion à chacun de ses pas. Les deux femmes observent ses pieds dégoulinants tandis qu'il traverse la salle jusqu'à l'escalier. Debout au bas des marches, un bras enlacé à la rampe, la petite Poulette regarde Giorgio grimper l'escalier. L'étrange bruit des pas de Giorgio disparaît vers l'étage. Les deux femmes échangent un regard suspicieux. L'aubergiste hausse les épaules et s'apprête à parler quand le bruit revient dans l'escalier ... Les femmes se retournent. Giorgio réapparaît. Il descend quelques marches, jusqu'à la petite fille pour lui tendre un sucre d'orge.

GIORQIO (à Poulette) Tiens, c'est pour toi.

La petite fille prend le sucre d'orge d'un geste lent et craintif. En même temps, elle se tourne vers 'aubergiste quêtant son approbation.

Giorgio repart vers l'étage.

46 INT, JOUR 1 AUBERGE CHAMBRE GIORGIO

(De l'extérieur nous parvient la comptine de la ronde des enfants)

((Assis sur le lit, Giorgio, d'un mouvement brusque, défroisse sa carte d'état-major qu'il tient grand ouverte devant lui. A Côté, son chapeau dont la doublure baille vers l'extérieur. Plus loin sur le lit, sa valise ouverte. A l'intérieur, un revolver posé sur la veste pliée de son uniforme militaire où est épinglée une médaille. Quelques sucres d'orge sont éparpillés dans la valise. on reconnaît aussi le petit paquet de ses lettres aux enfants, réunies par un petit ruban noir soigneusement lacé.)) Soudain, venant de l'extérieur, les éclats de voix d'une querelle de femmes se font entendre. Giorgio se lève et s'approche de la fenêtre:

47 EXT, JOUR / PLACE DU VILLAGE - VUE DE LA FENÊTRE

vêtue de noir, une voilette lui couvrant le visage, la frêle silhouette de Catherine Degrâce invective violemment une femme en lui arrachant des mains une grosse miche de pain., La femme réplique en hurlant, avec de grands mouvements de main.

48 INT, JOUR / CHAMBRE DE GIORGIO

Giorgio quitte la fenêtre et se précipite vers la porte.

49 INT, JOUR AUBERGE

(On entend toujours la comptine des enfants)

Giorgio descend l'escalier à toute allure. Puis il se fige brutalement, au milieu des marches, le visage tourné vers la salle: Dans un silence impressionnant, emmitouflées dans leurs sombres lainages, une vingtaine de femmes regardent fixement Giorgio. Brisé dans son élan, Giorgio reprend la descente de l'escalier mais beaucoup plus lentement. Il traverse la salle.

GIORGIO (saluant) mesdames ...

Toutes les femmes le suivent des yeux, sans un mot. Giorgio accélère légèrement le pas en arrivant vers la porte.

50 EXT, JOUR / PLACE DU VILLAGE

Les enfants poursuivent leur ronde en chantonnant.

A peine franchie la porte de l'auberge, Giorgio se met à courir en direction de Catherine. Elle vient de terminer son altercation et tourne les talons, hautaine, pour rejoindre sa carriole où la bonne, de l'autre côté de la place. La femme qu'invectivait Catherine marmonne en crachant par terre.

GIORGIO (courant) mademoiselle Degrâce!

Catherine accélère le pas, sans se retourner. Giorgio l'agrippe brutalement par le bras et la retourne face à lui. Dans un mouvement de défi, Catherine libère violemment son bras de l'emprise de Giorgio. Un bref silence, intense, durant lequel Giorgio fixe Catherine à travers sa voilette, comme s'il ne pouvait plus parler. La jeune fille reste, elle aussi, figée. Une légère brise fait frissonner la mousseline noire qui recouvre son visage. Les enfants arrêtent leur ronde pour les regarder. Plusieurs femmes se tiennent sur le perron de l'auberge, d'autres sont agglutinées aux fenêtres et observent.

GIORGIO (presque sans voix) J'ai bien connu les enfants.

CATHERINE (pressée) Je sais, ils me parlaient de vous.

Elle repart vers la carriole. Giorgio l'agrippe à nouveau.

CATHERINE (se retournant) Tout le monde nous regarde, allez-vous en!

GIORGIO Qu'est-ce que ça peut faire ...

CATHERINE (le coupant:) Je vous dois de l'argent pour ma mère, demandez moi de vous payer!

GIORGIO Pardon?

CATHERINE (à voix basse, paniquée) vite, je vous en prie! Demandez-moi de vous payer!

GIORGIO (Tout bas, sans comprendre) Payez moi ... ?

CATHERINE (chuchoté) Plus fort! ... S'il vous plait!

GIORGIO (à voix haute) Payez moi!

A cet instant, Catherine envoie un violent coup de pied dans la jambe de Giorgio.

CATHERINE (criant) Non! Je ne peux pas vous payer!

Sous le coup, Giorgio porte la main à son tibia en retenant un cri. Les enfants qui formaient la ronde regardent la scène ((en souriant)).

CATHERINE (tout bas, implorante) ... Recommencez, par pitié!

GIORGIO (à voix basse) vous êtes folle... Pourquoi faites vous ça?

CATHERINE (à voix haute) Puisque je vous dis que je n'ai pas assez d'argent! ... Et puis laissez-moi tranquille!

Catherine, hystérique, se met à rouer Giorgio de coups de pied. Dépassé par la situation, Giorgio essaie en vain de maîtriser la jeune fille. Il finit par la gifler. Catherine se calme net. Elle porte la main à sa joue avec l'air pathétique d'un animal blessé. Des larmes montent à ses yeux ...

CATHERINE (chuchotant) Vous êtes un sale type Et de toute façon, vous embrassez mal!

Catherine s'enfuit. Elle grimpe sur sa carriole. Elle arrache les rennes des mains de la bonne et fouette le cheval. La carriole s'éloigne.

CATHERINE (en larmes, criant à Giorgio) ma mère est morte, je ne vous dois rien! Et puisque c'est comme Ça, je ne vous payerai jamais! Jamais!!!

Giorgio la regarde s'éloigner, penché en avant, se frottant la jambe.

LE PRÊTRE (off) Il faut pas lui en vouloir ...

Giorgio redresse la tête vers le prêtre qui se tient debout derrière lui, une besace en bandoulière.

LE PRÊTRE ... c'est vrai qu'elle peut pas vous payer, ils n'ont plus rien ces gens-là ...

Le prêtre se penche vers Giorgio et le prend par le bras pour l'aider à marcher.

GIORGIO Ne vous inquiétez pas, mon père, je ne veux rien, c'est un malentendu: c'est elle qui a voulu que je lui demande ...

Les deux hommes se dirigent vers l'auberge, chacun boitant à sa manière, le prêtre soutenant Giorgio par le bras.

LE PRÊTRE (qui n'a pas écouté) oui, oui, bien sûr ... mais je vous payerai, moi, les Degrâce ont été assez généreux avec l'Église ...

GIORGIO (gêné) Non, non, laissez, mon père, il n'y a pas de problème ...

((Devant l'auberge, une dizaine de femmes sont sorties et regardent approcher les deux hommes claudiquant.))

LE PRÊTRE Si, si, j'en fais mon affaire ... d'autant que j'aimerai vous demander un petit service ...

51 EXT, JOUR / ROUTE CIMETIÈRE - ÉGLISE

Giorgio conduit sa carriole chargée de ses bagages. Le prêtre est assis à ses côtés, portant toujours son sac en bandoulière. ((Il feuillette un paquet d'enveloppes...))

LE PRÊTRE L'hiver, la voiture postale ne monte pas jusqu'à Chanteloup...

Giorgio dépapillote un sucre d'orge d'une main, en s'aidant de ses dents. Tout en parlant, le prêtre fixe le bonbon ...

LE PRÊTRE (suite) alors j'y donne rendez-vous sur la route de la vallée ... C'est bon vos machins, là?

GIORGIO Vous en voulez un?

LE PRÊTRE (ravi) Ah ben c'est pas de refus!

Giorgio donne au prêtre un sucre d'orge que celui-ci s'empresse de sucer.

La carriole dépasse la petite chapelle et longe le cimetière: deux femmes, des pioches à la main, sont en train de préparer une tombe. Elles redressent la tête pour dévisager Giorgio. Giorgio contemple le trou béant de la tombe ouverte.

LE PRÊTRE (souriant) ... Ca a dû leur faire tout drôle de voir un beau gars comme vous par ici

GIORGIO Il n'y a plus d'homme à Chanteloup?

LE PRÊTRE Eh non, ils sont tous à la guerre, dans les Balkans!

GIORGIO Mais ... et les vieux?

LE PRÊTRE (dans un haussement d'épaules) Les derniers ont été emportés par la grippe espagnole, l'année passée ... Ici, c'est pas les femmes qui sont malades! (il rit en suçant son sucre d'orge)

La carriole passe devant la maison Degrâce. Giorgio contemple fixement la façade.

GIORGIO Qui a fait interner le docteur Degrâce?

LE PRÊTRE (continuant à sucer son bonbon) Ben, voyez-vous, Il s'était mis à casser tous les carreaux du village ... il accusait les femmes d'avoir fait mourir les enfants parce qu'elles les aimaient pas! ... C'est vrai que ... ces enfants-là...y nous faisaient un peu peur ... Surtout ceux qui avaient leur drôle de tête, là! (il fait tourner son index devant son visage) ... Et puis, un, dimanche, pendant la messe, il a cassé le vitrail de la chapelle ... C'est lui qui a coupé la tête du Jésus à grands coups de pelle ... Pauvre homme! ... Quand je suis venu le chercher, il suppliait les femmes en pleurant: "Je vous ai soigné! J'ai soigné vos enfants" qu'y criait. et l'Armelle qui y donnait de grands coups dans le ventre pour le faire tenir tranquille ... Il voulait même brûler l'auberge ! Alors avec madame Degrâce, on a été forcé de le conduire à l'asile : les femmes l'auraient tué ... Marthe y, avait déjà cogné la tête sur le bord d'la fontaine ...

GIORGIO Et vous l'avez revu ... ?

LE PRÊTRE Jamais ... J'ai tout essayé mais à Ste Lucie, ils nous ont interdit les visites ... Ils nous ont dit qu'il était trop malade... J'ai même fini par me demander s'ils ne nous cachaient pas sa mort. J'ai souvent prié pour lui toutes ces années ...

5 2 EXT, JOUR / ROUTE

Le gris du ciel s'est densifié. Quelques corneilles survolent en criant le paysage blanc. Le vent s'est levé, charriant le lointain hurlement des loups. La carriole ralentit dans un tournant et le prêtre désigne quelque chose du doigt.

LE PRÊTRE Laissez-moi là, je vais rattraper la voiture postale en contrebas !

Le prêtre descend péniblement de la carriole avec son sac à courrier et une lanterne.

LE PRÊTRE méfiez vous quand la nuit sera tombée. La montagne est mauvaise. Vous trouverez un refuge à mi-chemin, passez-y la nuit.

Le prêtre fait le tour de la carriole pour se retrouver du côté de Giorgio.

GIORGIO Mon père.

LE PRETRE Oui?

GIORGIO Vous pensez que mademoiselle Degrâce est responsable de la mort des enfants?

Le prêtre, pensif, hausse les épaules ...

LE PRÊTRE Pauvre petite ... Le jour où elle est rentrée seule, tout ce qu'elle a trouvé, c'est d'accuser les loups ... De toute façon, c'est resté une enfant ... on peut pas condamner une enfant ... (il sourit) ... un jour, oh elle était toute petite! il y avait du soleil ... les oiseaux chantaient ... et elle m'a dit comme ça: "Mon père, et si c'était la douleur qui fait chanter les oiseaux?!" C'est pas une belle parole d'enfant, ça? ... Omnia Munda Mundis, Docteur ... "Rien n'est impur à ceux qui sont purs"!

Le prêtre s'éloigne en boitant.

LE PRÊTRE Allez, Adieu, Docteur! Et encore merci!

GIORGIO (le rappelant) Mon père! Comment allez vous rentrer?

LE PRÊTRE (s'arrêtant et se retournant) A pied, pardi! Y'a pas deux heures de marche d'ici le village!

GIORGIO (inquiet) Vous n'avez pas peur des loups?

LE PRÊTRE (revenant vers Giorgio) Des loups? Quels loups!?

GIORGIO Ceux qu'on entend ...

LE PRÊTRE (riant) Ha! Ha! Vous êtes comme les enfants, vous! Vous croyez encore aux loups! Il n'y a pas de loup, ici. Y'en a même jamais eu ... ce qu'on entend, c'est le vent du nord, quand il frotte contre les pierres de la vallée. C'est connu ici ...

Le prêtre, subitement inquiet, se met à fixer Giorgio.

LE PRÊTRE (suite) ... Dites, vous allez pas vous perdre, au moins?

GIORGIO (désignant son chapeau) Non, non, ne vous inquiétez pas, j'ai ma carte...

Le prêtre regarde Giorgio sans bien comprendre pourquoi celui-ci lui désigne son chapeau.

LE PRÊTRE Oui ... oui ... (s'éloignant à nouveau) ...Non, ce que j'en dit, c'est à cause des loups ... Houuuu! Houuuu! (il rit)

Giorgio regarde la silhouette infirme qui s'éloigne dans la neige. Le vent souffle, la nuit commence à tomber...

5 3. EXT, TOMВE DU JOUR / ROUTE

La carriole de Giorgio roule à travers les sapins. Quelques flocons de neige commencent à tomber. Dans le vent, on entend les loups. Giorgio tousse,serrant le col de son manteau, son chapeau enfoncé sur la tête...

54 EXT, TOMВE DU JOUR / ME AUTRE ROUTE

... Le cheval avance péniblement, tête basse, fouetté par le vent et la neige qui ont redoublés.Giorgio est recroquevillé sur son siège.

GIORGIO (au cheval) Allez! Allez!

Giorgio tousse. Tout à Coup, portant la main à sa tête, il s'aperçoit qu'il n'a plus son chapeau. Il regarde à droite et à gauche sur son siège, puis arrête son cheval. Giorgio se retourne: Derrière lui, à une vingtaine de mètres, la silhouette d'un enfant, vêtu de noir et portant une lanterne, se baisse pour ramasser le chapeau, tombé au milieu de la route. L'enfant se redresse lentement et met le chapeau sur sa tête en regardant Giorgio. Giorgio saute de sa carriole et fait quelques pas en plissant les yeux pour mieux voir: L'étrange visage rond de l'enfant semble avoir quelque chose de monstrueux. Immobile, il fixe Giorgio sans aucune expression... Giorgio semble tout à coup très mal à l'aise. Il se met à tousser. Puis il rebrousse chemin, et remonte rapidement sur sa carriole.

GIORGIO (à lui-même) Merde!

Il fouette nerveusement son cheval, comme s'il voulait fuir cette vision. La carriole s'éloigne. Giorgio se retourne: L'enfant n'a pas bougé. Il reste droit, figé au milieu de la route, sa lanterne à la main, le chapeau de Giorgio sur la tête ...

5 5 EXT, JOUR / STE LUCIE  - GRAND PLACE

Juché sur une estrade, un jeune capitaine à l'uniforme impeccable, aux cheveux et à la moustache parfaitement lissés, déclame d'une voix pathétique:

LE JEUNE CAPITAINE "Maman! ... Maman!" ... crie le soldat français frappé en plein cœur par la balle ennemie! Car, pour lui, la Patrie est une mère: elle en a la tendresse, l'autorité, la Sainteté! C'est parce qu'elle est une mère que, bien qu'il n'aime pas la mort, le poilu vole à son secours pour mourir sur son sein en criant: 'Vive la France!"...

Sur la place, la neige est sale, boueuse, labourée par les chevaux et les voitures. Au pied de l'estrade, des badauds sont attroupés, en majorité des femmes. Admiratifs et silencieux, des visages de notables et de gens simples sont tournés vers le jeune capitaine. Des enfants tiennent la main de leur mère. Quelques soldats sont mélangés aux civils qui passent et s'arrêtent, pour certains, devant l'estrade. A 1'autre extrémité de la place, un groupe de gens se réchauffent autour d'un feu. .D'un coin de rue, la carriole de Giorgio débouche sur la place. Sur son estrade, le jeune capitaine, tout en continuant de parler, brandit bien haut un billet de banque. ((Il se penche vers l'un des poilus éclopés et sales qui commencent à faire la quête et glisse ostensiblement le billet dans sa sébile.))

LE CAPITAINE (suite)  Donnons! Donnons, pour que soit rapatriée la dépouille de nos soldats morts loin de chez eux! Donnez! Donnez, pour que soient ramenés leurs cadavres avant qu'ils ne pourrissent en pays inconnu! ... Pour que ne s'ajoute pas à la douleur des mères, à la désolation des veuves, aux larmes des fiancées et au désœuvrement des orphelins, l'image de nos vaillants poilus, le regard désorbité, les os rompus, le ventre ouvert, les intestins sortis, la chair souillée par la proximité immonde des charognes ennemies, prêtes à les contaminer de leurs pestilences germaniques au-delà de la mort!

La carriole de Giorgio s'arrête devant les murs d'une très grande bâtisse à 1'aspect insalubre, sur le fronton de laquelle on lit, gravé dans la pierre: "Ste Lucie, asile des aliénés".

((Au centre de la place, autour de l'estrade, la foule applaudit.))

UN SOLDAT QUÊTANT Pour le rapatriement des corps de nos soldats!...Pour le rapatriement des corps de nos soldats! ...

56 EXT, JOUR 1'ASILE ? COUR EXTERIEURE

Giorgio traverse, à pieds, une grande cour en direction d'un bâtiment. Surgissant d'un passage voûté, deux infirmiers longent un coin de la cour en traînant par les bras une femme qui hurle et se débat violemment. Elle porte la tenue blanche des aliénés. Giorgio les regarde s'engouffrer dans un bâtiment au fronton duquel on lit: "Pavillon des femmes".

57aINT, JOUR / ASILE / GRAND COULOIR

A un bout du couloir, debout devant une fenêtre, Giorgio attend, le regard tourné vers l'extérieur, les mains dans le dos. Derrière lui, une porte sur laquelle on lit: (("Service du professeur Beaumont".)) Le long des murs, des bancs où sont installés quelques personnes, certaines en tenue blanche, d'autres en civil. Parmi elles, un homme bien habillé contemple Giorgio avec insistance et lui sourit. La porte s'ouvre sur un infirmier:

L'INFIRMIER Docteur Volli?

Giorgio se retourne vers l'infirmier.

GIORGIO Oui?

L'INFIRMIER Le professeur va vous accompagner. Il arrive dans un instant.

GIORGIO merci.

((L'infirmier s'approche d'un homme à moitié nu, recroquevillé sur un banc, les mains jointes autour de sa tête rasée, le front posé contre le bois.

L'INFIRMIER (à l'homme) Germain, viens avec moi ...

Pour toute réponse, l'homme se cogne durement la tête contre le bois du banc. L'infirmier lui tend la main:

L'INFIRMIER Allez viens, Germain, j'ai eu ton rendez?vous avec le Kaiser. Il t'attend pour arrêter la guerre... Allez!

L'homme se frappe de plus en plus violemment la tête contre le banc. L'infirmier le prend alors par la main et le tire. L'homme tombe sur le sol. Sous le regard de Giorgio, l'infirmier s'éloigne en traînant l'homme par terre...)) La porte s'ouvre à nouveau, sur un homme en blouse blanche d'une cinquantaine d'années: le professeur Beaumont. Aussitôt, l'Homme bien habillé, quitte l'un des bancs et se précipite à la rencontre du médecin:

L'HOMME BIEN HABILLE (serrant la main du Professeur) Bonjour, je suis le docteur Volli, merci de me recevoir.

LE PROFESSEUR BEAUMOMT Je vous en prie, entre confrères, c'est bien normal ...

Giorgio reste un instant stupéfait puis s'adresse au professeur:

GIORGIO Excusez-moi, mais le docteur Volli, c' est moi!

un imperceptible rictus s'inscrit sur les lèvres du professeur Beaumont tandis que son regard se promène sur le visage des deux hommes ...

LE PROFESSEUR BEAUMONT (désignant Giorgio à l'homme bien mis:) Docteur Volli, vous connaissez cet homme?

Alors que l'homme bien habillé tourne la tête en direction de Giorgio, le professeur Beaumont lui arrache son col de chemise: sur son cou mis à nu, ont distingue une marque violacée. Le professeur le gifle alors violemment. Puis il sort un sifflet de sa poche et siffle. ((L'homme bien habillé reste comme statufié. Des larmes coulent de ses yeux écarquillés. Un infirmier arrive précipitamment, s'arrête à côté du professeur et attend. D'un geste courtois, le professeur désigne l'infirmier à l'homme bien habillé et le fou va de lui-même vers l'infirmier pour se laisser emmener sans broncher. Le professeur Beaumont fait un pas vers Giorgio et lui serre la main))

LE PROFESSEUR BEAUMONT Je suis confus, docteur, mais depuis que l'administration nous envoie des blessés du front, ce n'est plus un hôpital ici, c'est un bordel! Il est dit dans le film "une maison de fous" On n'a même plus d'uniforme pour les aliénés et nous ne sommes que dix pour trois pavillons.

((Pendant qu'il parle, des petits Pas claquent sur le dallage du couloir. Le regard de Giorgio est attiré par la frêle silhouette d'une jeune fille vêtue de noir, portant chapeau et voile sur le visage. Elle avance entre deux infirmiers.

57b


Beaumont entraîne Giorgio dans le couloir.

LE PROFESSEUR BEAUMONT Il a quel âge votre malade?

A cet instant, les infirmiers et la femme en noir arrivent en face d'eux et les dépassent.

LE PROFESSEUR BEAUMONT (aux infirmiers) Dites donc, que fait cette femme dans le pavillon des hommes?

Les deux infirmiers s'arrêtent et se tournent vers le professeur. La jeune fille, elle, ne se retourne pas.

Fasciné, Giorgio contemple cette silhouette qui semble être celle de Catherine Degrâce...



Достарыңызбен бөлісу:
1   2   3   4   5   6   7   8   9   ...   18




©dereksiz.org 2024
әкімшілігінің қараңыз

    Басты бет